Chronique : renforcer l’ambition climatique des pays africains

Jeudi 8 Novembre 2018 - 21:08

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Quelques semaines à peine nous séparent de la tenue de la COP 24 en Pologne. Et sur toutes les bouches, une seule question demeure : comment renforcer l’ambition climatique des pays africains pour réellement parvenir à apporter plus dans la contribution du continent le moins pollueur dans la stratégie globale de lutte contre le réchauffement climatique ?

Depuis la COP 23, l’attention du monde se porte sur les mécanismes de mise en œuvre de l’Accord de Paris, notamment en soutenant les initiatives prises pour les intégrer au niveau national, en mettant en place des moyens d’en appuyer la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation, etc. En théorie, les contributions déterminées au niveau national sont censées permettre d'exploiter les possibilités de croissance verte de l’Afrique, en assurant que les composantes d’atténuation aident à éviter les émissions et que les composantes d’adaptation dirigent les activités économiques sur des voies tenant compte de l’évolution climatique.

De nombreux pays africains ont conçu leurs contributions déterminées au niveau national pour se conformer à l’Accord de Paris. Celles-ci ont souvent été formulées en pensant qu’elles allaient permettre d’obtenir de nouveaux financements pour les mesures en faveur du climat. Ces contributions sont aussi souvent axées sur quelques secteurs seulement, la plupart des réductions d’émissions ciblant la foresterie et les transports, tandis que les mesures d’adaptation portent sur des secteurs comme l’agriculture, sensible aux effets du climat, mais aussi cruciale pour l’économie des pays et les moyens de subsistance des populations.

S’ils veulent atteindre les objectifs du développement durable, les pays d’Afrique doivent se doter de politiques cohérentes de développement durable dans le contexte de l’Accord de Paris comme du Programme de développement à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063. Le changement climatique menace la possibilité qu’aurait le continent africain de réaliser ses objectifs de développement durable. Vu le contexte dans lequel les contributions déterminées au niveau national ont été formulées, il est de plus en plus évident qu’elles sont très ambitieuses et que le plus souvent elles ne reflètent pas les capacités des pays de les mettre en œuvre, mais dépendent plutôt de l’offre de soutien conditionnel à leur réalisation, ce qui suscite des tensions.

Les mesures requises pour lutter contre le changement climatique prévues dans les contributions déterminées au niveau national vont exiger de solides orientations de la part des États. Ces derniers devraient, s’agissant des mesures d’atténuation, mettre en place des politiques appuyant les moyens d’éviter les émissions, notamment en consacrant des investissements à de nouvelles infrastructures dans les secteurs-clés: eau, énergie, agriculture et transports. Ils devraient aussi formuler des politiques en matière d’industrialisation, d’urbanisation et d’emplois qui mettent leur économie sur des trajectoires vertes, ce qui sera particulièrement difficile puisque la plupart de leurs contributions déterminées au niveau national ne sont pas intégrées dans des contextes de politiques et d’exécution plus vastes et que leurs capacités de planification restent limitées.

Tous ces défis ne peuvent être relevés qu’en renforçant leurs capacités. Depuis le début des indépendances, l’Afrique s’est dotée de politiques macroéconomiques essayant en vain de promouvoir sa volonté d’industrialisation et de développement. Ces échecs du développement en Afrique s’expliquent par de nombreuses raisons qui sont bien comprises. Mais le discours au sujet du changement climatique semble supposer que celui-ci va donner un nouvel élan au développement du continent, stimuler en quelque sorte de nouvelles voies de développement, sans s’occuper des problèmes fondamentaux, structurels, historiques et autres qui ont fait obstacle aux tentatives précédentes de développer le continent.

Ce décalage entre le discours sur le changement climatique et celui sur le développement est vraiment troublant. Il faut que les responsables des politiques de développement et ceux en charge du changement climatique engagent d’urgence un vaste dialogue pour comprendre les interdépendances entre changement climatique et développement dans toutes leurs dimensions, afin de formuler des politiques appropriées pour que les contributions déterminées au niveau national, dans chaque pays, s’inscrivent dans le contexte de politiques et programmes de développement exhaustifs qui tiennent compte du changement climatique vu de l’Afrique.

 

Boris Kharl Ebaka

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