32e sommet de l'UA : zones de tensions et questions institutionnelles au menu des discussions

Vendredi 8 Février 2019 - 13:45

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Addis-Abeba, la capitale éthiopienne et siège de l’organisation continentale, accueille les 10 et 11 février, la 32e session ordinaire de l'assemblée des chefs d'Etat et de gouvernement sur le thème « L’année des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées : pour des solutions durables au déplacement forcé en Afrique ».

La problématique majeure choisie cette année par les chefs d’Etat et de gouvernement et autour de laquelle seront déclinées les activités clés de l’Union africaine (UA) va leur permettre de chercher des voies et moyens nécessaires pour trouver des solutions durables à l’épineux problème des migrations forcées qui sont d’abord intercontinentales, avec des déplacés internes représentant plus de 80% de migrants africains.

Au cours du sommet, les chefs d’Etat et de gouvernement des cinquante-cinq pays membres vont également se pencher sur la situation dans les zones de tension mais aussi sur des questions institutionnelles, dont le président en exercice sortant de l’UA, Paul Kagame, avait fait l’une de ses priorités. Au nombre de ces questions figure l’instauration d’une taxe sur les importations qui doit permettre d’assurer l’indépendance financière de l’UA et dont plus de 54% du budget 2019 proviendra de donateurs étrangers. Une proposition qui pourrait ne pas être acceptée par tous en raison de la réticence de certains Etats.

La réforme de la Commission fait aussi partie des points à l’ordre du jour. Il faut signaler que le sujet est toujours sensible puisqu’en novembre 2018, la majorité des Etats avait rejeté le projet de donner au chef de l’organe exécutif de l’UA le pouvoir de nommer ses propres adjoints et commissaires.

Les chefs d’Etat et de gouvernement devront, en outre, pousser les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier l’accord sur la Zone de libre-échange continentale (Zlec) pour permettre son entrée en vigueur. En mars 2018, quarante-quatre pays avaient signé ce document pour la création de la Zlec, censé développer le commerce intra-africain. Ce marché unique est l’un des projets phares du vaste programme « Agenda 2063 », conçu comme un cadre stratégique pour la transformation socio-économique du continent. Il est considéré comme une initiative majeure de l’Afrique pour remédier à sa faible intégration économique actuelle.

Dans le cadre des préparatifs de ce 32e sommet de l’UA, le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, a appelé, le 7 février, les pays membres à intensifier leurs efforts pour mettre en place la Zlec en Afrique. « Les progrès de la Zlec en Afrique sont très encourageants et, au rythme où vont actuellement les ratifications, on peut espérer une entrée en vigueur de l’accord dans les semaines à venir », a-t-il déclaré aux ministres des Affaires étrangères africains. « J’espère que les six pays qui n’ont pas encore signé cet accord le feront dès que possible et que ceux qui l’ont déjà signé mèneront rapidement à bien le processus de ratification », a ajouté Moussa Faki Mahamat.

Au total, quarate-neuf des cinquante-cinq pays membres de l’UA ont déjà signé l’accord portant création de la ZLEC et treize d’entre eux l'ont ratifié, selon les chiffres de l’organisation. Vingt-deux ratifications sont nécessaires pour que la Zlec entre en vigueur, au moment où douze autres pays membres de l’UA sont déjà en passe d’obtenir une ratification de l’accord par leur parlement, a-t-on précisé.

L’Egypte à la tête de l’organisation continentale

A la faveur du présent sommet, le chef de l’Etat égyptien, Abdel Fatah al-Sissi, va assurer la présidence tournante de l’organisation pour 2019. Mais plusieurs analystes pensent que son pays, poids lourd régional, « poursuivra sa quête d’influence sans chercher nécessairement à renforcer l’institution ». Les Egyptiens, en effet, « sont pleinement engagés dans les réformes », a assuré pour sa part un responsable de l’UA.

Quant à Liesl Louw-Vaudran, de l’Institut pour les études sur la sécurité, il soutient que « les pays d’Afrique du nord ont la réputation de regarder dans une direction différente de celle de l’Afrique ». « L’Egypte devra surmonter ce stéréotype », a-t-il souligné.

Elissa Jobson, cheffe du plaidoyer pour l’Afrique à l’ONG Crisis Group, a expliqué ce qu’elle pense de la présidence du Caire à l’UA. « Abdel Fatah al-Sissi souhaite que l’Egypte soit considérée comme faisant partie de l’Afrique et pas seulement du monde arabe », a-t-elle commenté. L’analyste a ajouté : « Nous pouvons nous attendre à ce qu’il profite de la présidence pour renforcer la position de son pays parmi les autres Etats africains (…). Il ne s’agit pas d’une rupture avec les administrations précédentes, en particulier celle de son prédécesseur ». Elissa Jobson a, par ailleurs, salué la présidence rwandaise de l’UA : « Paul Kagame a montré que la présidence, longtemps considérée comme une simple figure de proue, peut servir à promouvoir les intérêts nationaux et à renforcer la stature internationale d’un dirigeant ».

Un diplomate africain qui a requis l’anonymat a également salué la présidence de Paul Kagame mais, il s’est dit « déçu » que l’institution ne soit pas venue à bout de toutes les réformes envisagées. L’Egypte, à l’instar d’autres pays puissants comme l’Afrique du Sud ou le Nigeria, ne souhaite pas une « UA forte », d’autant plus qu’elle n’a « jamais oublié » sa suspension en 2013, a-t-il avancé. Cette décision avait été prise après la destitution par l’armée de l’islamiste Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu en 2012.

« L’Egypte se concentrera probablement sur la sécurité et le maintien de la paix » et moins sur « la réforme financière et administrative de l’UA en tant qu’institution », estime, pour sa part, Ashraf Swelam, directeur général du Centre international du Caire pour la résolution des conflits, le maintien et l’instauration de la paix, lié au ministère des Affaires étrangères.

 

 

Nestor N'Gampoula

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