Médecine pour tous. Gros cœur et alcool

Mercredi 15 Mai 2019 - 21:15

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De quoi s’agit-il ?

Pour ce qui est du gros cœur, le lecteur est prié de se reporter à l’article éponyme paru dans le n°3425 du 8 février 2019 du journal Les Dépêches de Brazzaville. Le gros cœur y est défini comme synonyme de cardiomyopathie dilatée (CMD). Quant à l’alcool, il est ciblé ici comme une cause directe de la CMD.

Profil des patients 

Au Congo, dans les années 1960, il s’agissait des sujets jeunes, à nette prédominance masculine, habitants des quartiers pauvres, dénutris et/ou buveurs de bières frelatées. Aujourd’hui, il s’agit des hommes et des femmes jeunes également, habitants des beaux quartiers, nantis et grands consommateurs au long cours d’alcools de tous genres. Brièvement, on peut esquisser ainsi leur profil clinique : sujets souvent de sexe masculin (≥ 70%) ; âgés de ≥ 40 ans ; alcoolisme chronique depuis ≥ 5-10 ans ; statut socio-économique confortable (classes I et II [=les plus favorisées]); porteurs d’hypertension artérielle (HTA) dans presque 100% des cas.

Symptômes 

  1) Quantification de l’intoxication et seuil du risque de cardiomyopathie : consommation quotidienne d’alcools pendant cinq à dix ans aux doses de : deux à trois bières de 65 cl, ½ à un litre de vin ou ¼ à 1/2 litre de whisky. Mais on sait que beaucoup de patients nient leur alcoolisme.

2) Les symptômes sont ceux de l’insuffisance cardiaque congestive rapportés dans l’article « Le gros cœur » sus-indiqué. Toutefois le tableau présente ici quelques particularités cliniques : présence quasi constante d’une HTA, existence parfois de formes aiguës d’insuffisance cardiaque avec collapsus rapidement mortelles, dans bien des cas, symptômes longtemps absents en dépit d’une dilatation importante du cœur, fréquentes associations morbides à type de cirrhose hépatique, atrophie et polynévrite des membres inférieurs, accident vasculaire cérébral hémorragique; en revanche, rareté de l’insuffisance coronarienne.

Bilans indispensables 

 L’essentiel de l’inventaire doit porter sur le cœur et l’état biologique ainsi que sur l’hépato-gastroentérologie, la neurologie et la psychiatrie. Cependant nous n’aborderons pas ces derniers aspects. 1) Sur le plan cardiologique, on fera : a) L’électrocardiogramme (→ troubles de rythme, hypertrophie du ventricule gauche), b) la radiographie du thorax (→ gros cœur, poumons surchargés, épanchement pleural), c) l’échocardiographie-Döppler (→dilatation des cavités cardiaques, hypokinésie globale avec fraction d’éjection ventriculaire diminuée, épanchement péricardique, hypertension artérielle pulmonaire, etc.), d) rarement on fait une épreuve d’effort. 2) Sur le plan biologique : bilan hépatique (→ élévation du taux des enzymes, notamment la gamma-glutamyl-transférase ou GGT, signes biologiques de cirrhose), dosage de la vitamine B1 dont le taux est abaissé, bilan hématologique et rénal, etc.

Quel pronostic ?

1) Les éléments du mauvais pronostic sont : a) la poursuite de l’intoxication alcoolique ; b) la sévérité de l’insuffisance cardiaque ; c) l’importance du désordre hydro-ionique, d) l’atteinte hépatique associée. 2) Les modalités évolutives sont fonction de l’intoxication alcoolique. Ainsi : a) sujets chez lesquels l’abstinence est maintenue : mortalité à 4 ans ≤ 9% des cas; restauration ad integrum de la fonction cardiaque. b) A contrario, si l’intoxication alcoolique se poursuit : altération continue de l’état général, aggravation irréversible de l’insuffisance cardiaque, décès à plus ou moins brève échéance dans tous les cas.

Quel traitement ?

L’hospitalisation est la seule solution adaptée et l’abstinence alcoolique un préalable incontournable. Le traitement est généralement médical (régime, supplémentation en vitamine B1, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [Captopril], diurétique [Lasilix], beta-bloquant [Carvédilol], consultations d’hépato-gastroentérologie et de psychiatrie). La transplantation cardiaque peut être proposée.

Conclusion

 L’excès de consommation d’alcool comporte des effets délétères, notamment l’hypertension artérielle et le risque de cardiomyopathie dilatée avec insuffisance cardiaque. Celle-ci peut régresser en cas d’arrêt de l’intoxication alcoolique et d’un traitement médical bien respecté. Dans le cas contraire, l’espoir porté par la greffe cardiaque étant encore limité, elle évoluera inexorablement vers une issue fatale.

Christophe Bouramoué, professeur émérite, nbouramoue@yahoo.fr

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