Evocation. Le Roi Pelé, Mulélé, Mbono et Bikouri

Jeudi 23 Mai 2019 - 22:15

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Parfois le hasard fait bien les choses. Le match éponyme que livra le Roi Pelé, le 7 juin 1967, contre le onze national congolais, participait à n’en point douter d’une telle circonstance. En tournée planétaire avec son équipe le FC Santos, le phénomène du football mondial était annoncé à Libreville, au Gabon et à Kinshasa, en face, sur l’autre rive du grand-fleuve Congo. Pour cette dernière étape de son voyage en Afrique centrale, il devait traverser le Pool Malebo avant d’aller émerveiller les spectateurs kinois au stade Tata Raphaël.

La rencontre Congo-Santos n’étant pas prévue, les dirigeants de la ligue de football prirent rapidement les devants pour ne pas frustrer le public congolais. Boniface Massengo leur délégué s’aboucha avec le président Alphonse Massamba-Débat sur l’urgence de la situation. Pour l’homme politique que fut le deuxième président du Congo, la question en soi n’était pas le spectacle mais son coût en termes d’équilibre entre la ponction financière faite au Trésor public et la recette du match pour effacer le trou. Il vainquit son scrupule lorsqu’on lui annonça que les entreprises paieront pour les ouvriers et les écoles pour les élèves.

La veille de la confrontation, le président reçut la sélection qu’il confondit avec les militants de son parti. D’après le maître à jouer congolais, Léopold Bernard Foundoux « Mulélé », le chef de l’Etat entra, scanda la devise du parti que les joueurs ne connaissaient pas. Surpris et furieux, il s’écria alors qu’il était en insécurité parmi des gens qui ne semblaient pas être des Congolais ! Il sortit d’un pas alerte en sommant son secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Ndalla Graille, d’apprendre aux footballeurs cette devise sous cinq minutes.

A son retour auprès des joueurs, ceux-ci furent honorés d’entendre l’illustre bouche apostropher avec forts commentaires les plus brillants d’entre eux :  Jadot, Mulélé, Mbono, Matsima, Miéré Chine, Ombélé, etc. Et, les joueurs étaient contents de savoir que le président connaissait chacun d’eux personnellement. Toutefois, il oublia sur le pupitre le mot que ses services lui avaient préparé pour la circonstance. C’était le pot aux roses. Les joueurs s’esclaffèrent joyeusement : le président ne les connaissait pas personnellement mais les avait interpellés avec tant d’aplomb et de rectitude.

Le 7 juin 1967, à l’heure H, le stade de la Révolution craquait de tous les côtés. On avait accouru de toute part pour voir le dieu vivant du ballon, le Roi Pelé accompagné de son mythique club de Santos.

Léopold B. Foundoux, que les fans du Club athlétique renaissance aiglons avaient surnommé Mulélé ( rebelle lumumbiste pendant la guerre civile au Congo-Kinshasa dans les années 60) pour se venger de leurs rivaux de l’Etoile du Congo que ce dernier et son équipe Patronage avaient ridiculisé, conduisait l’attaque congolaise. Le footballeur Mulélé tenait à la fois de Pelé et de Johan Cruijff dans son style de jeu. Il mystifia le Roi Pelé par un demi-pont resté dans toutes les mémoires.

Naturellement, Pelé, la star du jour au sommet de son art, ne se fit pas conter. Le public avait accouru le voir dérouler un récital, il ne fut pas déçu. Le Brésilien fit trembler les filets de l’excellent Maxime Matsima trois fois de suite. Dans une arène toute acquise à une séance de plaisir par l’autoflagellation, Mbono le Sorcier et l’ailier gauche Bikouri furent les seuls chauvins de service pour le Congo. Mais l’enjeu de la rencontre n’était-il pas de voir jouer sur le sol congolais, l’étoile planétaire Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé ? Le compte était bon pour le public et pour l’Etat. Le président Massamba-Débat, qui craignait d’avoir fait un gros trou au Trésor public pour payer Santos, fut le plus rassuré. Pelé lui avait remboursé dix fois plus que ce qu’il lui avait payé pour le match.

 

 

François Ikkiya Onday-Akiera

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