Evocation : un 27 juin peut en cacher un autre

Jeudi 18 Juillet 2019 - 21:37

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À chacun sa fortune ! Jusqu’au perfide complot qui lui enleva la vie un après-midi de mars 1977, la fortune de Marien Ngouabi avait la ressemblance du sort d’un phénix qui meurt le soir pour renaître le matin de sa cendre. De 1966 à 1977, une disposition astrologique particulièrement heureuse réussit à déjouer, chaque fois, l’adversité qui lui faisait front en faisant succéder immédiatement ses passages à vide, ses moments difficiles par des périodes de joyeuse lumière et de complète, solennelle et définitive victoire sur ses ennemis. Le parcours de légitimité qui le conduira de 1966 à 1968 au sommet du jeune Etat congolais était du domaine de cette astrologie.

Rétrogradé du grade de capitaine à soldat de 2e classe le 26 juin, le turbulent capitaine avait retrouvé son galon à la suite de la journée du 27 juin où la rue et les casernes avaient donné de la voie. Le régime du président Massamba-Débat avait failli basculer dans le vide alors, qu’étrangement le capitaine Ngouabi naguère banni (renvoyé à Pointe-Noire sous deux semaines) se retrouvait comme sur une rampe de lancement. Son nom était maintenant connu dans tout le pays et avait traversé les murs des chancelleries. Il avait retrouvé son galon mais perdu la fonction de chef de corps des paras-commandos. Désormais muté dans un obscur bureau d’études de l’état-major, il rongeait son frein en silence.

Le 27 juin 1967, le président se rendit au pont du Djoué, siège du bataillon Lénine du Corps national de la Défense civile. Ange Diawara commandant de cette milice qui le reçut ne se fit pas prier pour rappeler à demi-mot le rôle décisif de bras armé du régime qu’avait joué son corps pendant l’évènement que l’on commémorait.

Le régime et son bras armé avaient trouvé une date appelée à prospérer où célébration héroïque et stigmatisation des démons de la division devaient se conjuguer. Mais, ce 27 juin 1967 fut aussi le premier et le dernier d’une série des commémorations qui devaient s’étaler dans le temps. Vers la fin de l’année 1967, le triumvirat Massamba-Débat, Noumazalay et Diawara n’affichait plus qu’une unité de façade. Guerre des socialismes et lutte pour le pouvoir firent définitivement voler en éclat cette unité, le 12 janvier 1968, quand le président démissionna son Premier ministre, Ambroise Noumazalay.

Cette nouvelle situation redistribua les cartes. Michel Mbindi, commissaire général de police occupa le portefeuille de l’Intérieur. Fin limier au flair redoutable, il portait désormais la sécurité du régime sur ses épaules.

Naturellement, dans le fichier du nouveau maître-policier, le capitaine Ngouabi figurait en bonne position. Si les politiciens Noumazalay et Ndalla étaient à surveiller de près, Ngouabi, lui, devait être marqué à la ceinture, voire liquidé. Cette dernière perspective échoua : le capitaine avait la baraka.

De son côté Ngouabi s’organisait à donner le change à ses ennemis. La relecture des évènements du 27 juin 1966 lui avait donné des ailes. Il conçut alors le plan de renverser le gouvernement exactement à la date anniversaire de cet évènement le 27 juin 1968.

Le jour J, dans la nuit du 26 au 27 juin 1968, quelque part au camp 15 août, les éléments acquis au putsch rejoignirent discrètement le capitaine Ngouabi. Le sous-lieutenant de l’artillerie Niombelle Jim était parmi eux. Quelques mois plutôt il était revenu d’Odessa en Union soviétique où il avait parachevé sa formation après celle reçue en France.

L’opération militaire consistait en l’occupation des points stratégiques de Brazzaville. Des officiers avaient été choisies pour accomplir des missions précises. Il ne restait plus que de passer à l’acte une fois réunis tous les acteurs.

Les heures s’égrenaient, l’aube avançait. Aucun des officiers qui avaient des missions décisives ne se présentait. Pris de doute, Ngouabi dut rétropédaler en catastrophe. Le complot ne vit pas la lumière du jour.

Michel Mbindi berné n’y avait vu que du feu. Le 27 juin dans la journée, aucun des conspirateurs ne fut inquiété. Toutefois, ce fut grâce à la pression vigilante de ce même Mbindi que les officiers attendus ne se présentèrent pas au siège de la conspiration. Le risque d’être interpellé en pleine nuit était très élevé.

Pour des raisons de dissensions politiques susmentionnées, le 27 juin 1968 ne fut pas commémoré. Seuls les initiés du groupe du capitaine Ngouabi savaient ce qui aurait pu se passer ce jour sans la veille des agents de Michel Mbindi.

 

 

 

 

François-Ikkiya Onday-Akiera

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