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De l’accord de Facilité élargie de crédit FMI-Congo: que nous enseignent les conditionnalités?

Jeudi 22 Août 2019 - 17:49

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L'accord triennal de Facilité élargie de crédit (FEC) de 448,6 millions $, avec l’octroi immédiat d’un appui de 44,9 millions $ (10%), conclu entre le Fonds monétaire international (FMI) et le Congo, le 11 juillet 2019, est assorti de 48 mesures à appliquer d'ici fin mars 2020. Au vu des promesses non tenues par le Congo dans le passé, les résultats seront évalués tous les six mois par le FMI, et les performances réalisées conditionneront le décaissement des parts restantes du capital jusqu’en 2022 ou l’arrêt immédiat de l’emprunt. Que contiennent ces mesures et où se situe le risque de rupture de la FEC durement négociée?

 

En effet, le Congo est membre du FMI depuis le 10 juillet 1963. Il bénéficie à ce titre d’une quote-part du capital de cette institution de 162 millions $ de Droit de Tirage Spécial (DTS). La FEC de 448,6 millions $ représente 324 millions $ de DTS, soit 200% de la quote-part du Congo. Elle finance à 20% un plan de sauvetage susceptible de rétablir la viabilité des finances publiques, reconstituer les réserves régionales, améliorer la gouvernance de l’État, et à 80%, la protection des populations les plus vulnérables, dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'accès à l'eau, à l'électricité, aux transports, de la promotion de la femme, et de la diversification de l’économie.

 

Ces mesures figurent déjà dans le rapport du gouvernement sur la gouvernance et la lutte contre la corruption de juin 2018, réalisé avec l’appui du FMI. Elles ont été renforcées dans la lettre d’intention du FMI, dans le domaine de la transparence financière, de l'assainissement des finances publiques et des comportements des gouvernants pour une meilleure mobilisation de la ressource fiscale et la maîtrise des dépenses publiques, afin d’améliorer la gouvernance de l’État et de rééquilibrer la balance commerciale du pays. Deux actions principales en conditionnent le succès:

 

1) le rétablissement de la viabilité de la dette qui s’élevait à 5.580 milliards FCFA, environ 9,5 milliards $, dont 68,42% de dette extérieure et 31,58% de dette intérieure, soit plus de 118% du PIB en 2017, loin des 70% exigés par la Cémac, faisant du Congo l’État le plus endetté de la sous-région. A la fin de 2018, la dette congolaise a été ramenée à 87,8 % du PIB, grâce aux réformes structurelles du gouvernement, permettant au pays, à travers le guichet ouvert par le FMI, d’obtenir des emprunts à des taux préférentiels durant trois ans auprès des partenaires bilatéraux pour 1,3 milliard $ dont la 34,62% par la BAD, 34,15% par le FMI, 19,54% par la Banque mondiale et 11,69% par la France.

 

La FEC sert essentiellement à apurer progressivement la dette extérieure, de mieux organiser la titrisation de la dette intérieure et de relancer l’économie dans une plateforme régionale. La menace vient des emprunts gagés sur le pétrole auprès des Traders suisses dont la dette représente plus de 33,54% de la dette extérieure. L’accord de rééchelonnement de la dette de cinq à dix ans d’avril 2019, avec le Trader suisse Trafigura, s’est accompagné du préfinancement de deux  cargos de pétrole brut en janvier 2019, et de trois autres prévus cet été, au risque de compromettre la viabilité de la dette comme après la réduction de 80% de la dette du Congo en 2010 par le Club de Paris;

 

2) le rétablissement de l’équilibre budgétaire : le rapport du FMI n°19/1 de février 2019 indiquait un solde budgétaire de la Cémac de -7,5 % du PIB en 2015 contre 0,2 % du PIB en 2018, alors que cette position doit être supérieure ou égale à -1,5%. Ce solde est devenu excédentaire en RCA (-0,5 % PIB contre 1,1 % du PIB), au Congo (-25 % contre 6,9 %), au Gabon (-0,5 % contre 0,3 %), au Tchad (-5 % contre 1,3 %) et en Guinée équatoriale (-15 % contre 0,5 % du PIB), alors qu’il demeure déficitaire au Cameroun en passant de - 4,9 % à -2,5 %. Le Congo ne couvre que 2,3 mois d’importations fin 2018 contre six mois en 2012, malgré la reprise de la production de pétrole qui est passée de 252 000 barils par jour en moyenne en 2017 à 330 000 barils en 2019.

En suivant le Programme national de développement du Congo (PND 2018-2022), ces mécanismes financiers laissent apparaître un besoin résiduel de financement lié au train de vie de l’État en 2020 de 378,5 millions $, en 2021 de 258,6 millions $ et en 2022 de 128,1 millions $.

Ainsi, la FEC n’est pas une panacée. Le rétablissement de la viabilité de la dette dépend de la volonté des autorités à respecter les normes, à réduire le train de vie de l’État et de leur capacité à adopter des nouveaux comportements efficients pour équilibrer les finances publiques dans une gouvernance inclusive.

 

 

Emmanuel Okamba Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestio

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Édition Quotidienne (DB)

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