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A propos du franc CFA

Samedi 9 Novembre 2019 - 17:00

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Que le débat sur le maintien, la transformation ou la disparition du franc CFA, monnaie collective de quatorze pays de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale, s’engage publiquement, n’a rien de surprenant. Créée au sortir de l’ère coloniale pour maintenir, d’une part, l’unité économique des deux communautés sous-régionales en voie de formation et, d’autre part, préserver la proximité économique de l’Afrique avec la France, cette monnaie commune est contestée depuis longtemps par de nombreux experts qui en dénoncent certaines règles. Des règles parmi lesquelles figure en bonne place la conservation dans les coffres de la Banque de France, à Paris, de la moitié des réserves de change des Etats concernés.

N’entrons pas dans le volet technique de ce débat qui oppose depuis longtemps de très nombreux experts en Afrique, en France et plus généralement, d’ailleurs, en Europe ; il dépasse en effet le savoir, la compréhension du commun des mortels que nous sommes et nourrit des échanges de plus en plus techniques, complexes, sophistiqués au sein de la finance internationale. Arrêtons-nous un instant, en revanche, sur son enjeu politique, diplomatique, stratégique que les spécialistes de la finance ne prennent guère en considération, jusqu’à présent du moins. Il est, en effet, important, pour ne pas dire essentiel dans le moment présent pour l’Afrique comme pour la France.

Perçu par les uns comme un instrument de maintien de la domination coloniale exercée par la France pendant plus d’un siècle et par les autres comme un outil essentiel de la coopération entre l’Afrique et l’Europe qu’il serait dangereux de remettre en question, le franc CFA est bien au cœur d’un débat qui dépasse largement les questions financières. Même s’il a des défauts sur lesquels les experts se penchent aujourd’hui avec raison, il a joué et joue toujours un rôle essentiel dans le maintien, voire même le renforcement des relations économiques entre la vieille Europe et la jeune Afrique.

Le réformer pour l’adapter au monde nouveau dans lequel pénètrent les deux continents du fait de la mondialisation qu’illustre parfaitement l’influence croissante de la Chine en Afrique est tout à la fois logique et nécessaire. Mais faut-il pour autant le remplacer par une ou plusieurs nouvelles monnaies ? Ce n’est évidemment pas certain car les conséquences d’un tel changement pourraient s’avérer désastreuses aussi bien pour les pays africains que pour la France et les pays européens.

Au-delà de l’aspect technique d’une réforme éventuelle mais en réalité très probable du franc CFA, il est essentiel, du moins nous semble-t-il, que le débat s’engage aussi de façon claire sur le plan diplomatique, politique. Entre l’Afrique et la France bien sûr, mais aussi et surtout entre l’Afrique et l’Europe puisque le franc CFA est arrimé en réalité à l’euro. Les deux parties ont, en effet, tout à gagner à resserrer les liens que l’Histoire a noués entre elles et tout à perdre dans une rupture monétaire qui bouleverserait inévitablement les échanges entre les deux continents.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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