Justice: des familles congolaises en procès contre les plus grandes entreprises technologiques du monde

Lundi 16 Décembre 2019 - 16:00

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Les sociétés Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla sont citées dans une plainte aux Etats-Unis concernant la mort de jeunes congolais dans des mines de cobalt. La plainte a été déposée, le 15 décembre, par le cabinet de défense des droits humains International rights advocates, au nom de quatorze parents et enfants de la République démocratique du Congo (RDC). 

Dans l'affaire judiciaire historique, les familles congolaises concernées indiquent que leurs enfants ont été tué ou mutilés lors de l'extraction de cobalt utilisé pour alimenter les smartphones, ordinateurs portables et voitures électriques. Le cabinet accuse les entreprises technologiques d'avoir aidé et encouragé la mort et les blessures graves d'enfants qui, selon lui, travaillaient dans les mines de cobalt de leur chaîne d'approvisionnement. Les familles et les enfants blessés demandent des dommages-intérêts pour travaux forcés et une indemnisation supplémentaire pour enrichissement sans cause, supervision négligente et infliction intentionnelle de détresse émotionnelle, indique The Guardian.

Le cobalt est essentiel pour alimenter les batteries au lithium rechargeables utilisées dans des millions de produits vendus par Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla chaque année. La demande de cobalt a triplé au cours des cinq dernières années et devrait encore doubler d'ici à la fin de 2020. Plus de 60% du cobalt provient de la RDC.

Des conditions de travail qui ont entraîné la mort

Le cabinet International rights advocates soutient qu'Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla ont tous aidé et encouragé les sociétés minières qui ont profité des enfants, forcés de travailler dans des conditions dangereuses; des conditions qui ont finalement entraîné la mort et des blessures graves. En outre, les familles affirment que leurs enfants travaillaient illégalement dans des mines appartenant à la société minière britannique Glencore. Les documents judiciaires attestent que le cobalt des mines appartenant à Glencore est vendu à Umicore, un négociant en métaux et minier basé à Bruxelles, qui vend ensuite du cobalt de qualité batterie à Apple, Google, Tesla, Microsoft et Dell.

D'autres plaignants affirment qu'ils ont travaillé dans des mines appartenant à Zhejiang Huayou Cobalt, une grande entreprise chinoise de cobalt, qui, selon le procès, fournit Apple, Dell et Microsoft et est susceptible de fournir les autres défendeurs.

Dans les documents, les familles congolaises décrivent comment leurs enfants étaient poussés par l'extrême pauvreté à chercher du travail dans les grands sites miniers, où ils prétendent qu'ils étaient mal payés, soit deux dollars américains par jour pour des travaux éreintants et dangereux, creusant des roches de cobalt avec des outils primitifs dans des tunnels sombres et souterrains. Elles prétendent que certains des enfants ont été tués dans des effondrements de tunnels tandis que d'autres ont été paralysés ou ont subi des blessures mortelles à la suite des accidents. Une plaignante explique que son neveu a été contraint de chercher du travail dans les mines de cobalt quand il était un petit enfant après que la famille n'a pas pu continuer de payer ses frais de scolarité mensuels de six dollars. L'accusation indique qu'en avril de l'année dernière, il travaillait dans une mine exploitée par Kamoto copper company, détenue et contrôlée par Glencore. Il était sous terre dans un tunnel, creusant des roches de cobalt, lorsque le tunnel s'est effondré et  a été enterré vivant. Sa famille dit qu'elle n'a jamais retrouvé son corps.

Un autre enfant raconte qu'il a commencé à travailler dans les mines à l'âge de 9 ans et  au début de l'année en cours, il a été utilisé comme mule humaine pour Kamoto copper company, transportant des sacs de roches de cobalt pour 0,75 dollar par jour, lorsqu'il est tombé dans un tunnel. Après avoir été traîné hors du tunnel par des collègues, il a dit qu'il a été laissé seul par terre sur le site minier jusqu'à ce que ses parents aient entendu parler de l'accident et soient arrivés pour l'aider. Il est maintenant paralysé de la poitrine vers le bas et ne marchera plus jamais.

D'autres familles incluses dans la demande soutiennent que leurs enfants ont été tués dans des effondrements de tunnels ou subi des blessures graves telles que des membres ou des épines dorsales brisés en rampant dans des tunnels ou en portant de lourdes charges, sans aucune indemnité versée pour les décès et les blessures.

Obtenir justice

L'avocat principal des demandeurs, Terry Collingsworth, a déclaré: «Nous ferons tout notre possible pour obtenir rapidement justice pour les enfants que nous représentons. Au cours de mes trente-cinq années en tant qu’avocat des droits de l’homme, je n’ai jamais vu un tel abus extrême d’enfants innocents à grande échelle. Cette incroyable cruauté et avidité doivent cesser ».

L'équipe juridique du cabinet International iights advocates comprend deux chercheurs et experts renommés sur le travail forcé des enfants, le Pr Siddharth Kara et le Dr Roger-Claude Liwanga. En réponse au dépôt de la plainte, le Pr Kara a déclaré: «Cette poursuite représente l'aboutissement de plusieurs années de recherche sur les conditions horribles de l'exploitation du cobalt en RDC. Dès le moment où j'ai rencontré M. Collingsworth et lui ai décrit mes conclusions, il s'est engagé à tenir ces entreprises responsables de leur enrichissement au détriment des enfants les plus vulnérables du Congo. J'espère que nos efforts sont dignes des familles courageuses qui ont partagé leur tourment incommensurable avec nous, et que la justice et la décence triompheront de la recherche du profit à tout prix. »

Le Dr Liwanga, ressortissant de la RDC, a renchéri: « C'est le début de la fin de l'impunité pour ceux qui bénéficient économiquement du travail des enfants dans l'industrie minière de la RDC. Les enfants de la RDC ont également un droit inhérent et inaliénable d'être protégé contre l'exploitation économique. »

Pour International rights advocates, les jeunes enfants qui exploitent le cobalt de ces entreprises technologiques ne sont pas simplement contraints de travailler à temps plein et de manière extrêmement dangereuse dans les mines au détriment de leurs études et de leur avenir; ils sont aussi régulièrement mutilés et tués. « Plutôt que d'intervenir pour aider ces enfants avec une partie négligeable de leur vaste richesse et de leur pouvoir, ces entreprises ne font que continuer de bénéficier du cobalt bon marché extrait par des enfants privés de leur enfance, de leur santé et, pour beaucoup trop, de leur vie », indique le cabinet dont l'équipe de recherche poursuit les enquêtes sur d’autres sociétés technologiques et automobiles qu'il prévoit d’ajouter au procès.

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Des enfants travaillant dans des mines de cobalt / Photo Siddharth Kara

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