Le Feuilleton de Brazzaville. Acte 28. Quand je prends mon pot!

Jeudi 23 Janvier 2020 - 20:47

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Devant leur bière « bien tapée », les Brazzavillois deviennent de bons moralisateurs. Parfois aussi de grands insouciants. L’artiste-musicien Casimir Zoba, dit Ancien Combattant, résume le tout dans Soulard, l’un de ses nombreux succès : « Quand je prends mon pot, pourquoi vous êtes contre moi ? »

Voici, en effet, ce que l’on entend des Brazzavillois quand ils s’attablent quelque part pour se partager un verre : « S’ils lui assurent son salaire à chaque fin de mois, s’ils s’occupent de son quotidien comme les transports en commun, la construction des routes, la fourniture de l’eau et de l’électricité, l’assainissement de la ville, la régulation des prix des denrées sur le marché, le Congolais n’est pas homme à s’occuper de leur train de vie.»

Mais c’est qui « ils » ? Les dirigeants du pays, les décideurs, bien sûr, car bien souvent s’engagent d’interminables discussions sur l’actualité nationale et internationale : on s’appesantit sur l’information donnée par tel média, on tire des conclusions hâtives ou partisanes, on se fait une certaine idée des déclarations d’intention des autorités et de la pratique sur le terrain. Ces discussions se déroulent en général entre vieux copains, des gens qui cherchent, malgré leurs différences, à en apprendre l’un sur l’autre. Ce qui permet de reléguer loin le piège du repli sur soi.

En tout état de cause, il vaut mieux tomber sur ce genre d’échanges que sur ceux inspirés par les conquêtes féminines ou par les défis de classe ; ils débouchent presque toujours sur une bagarre rangée entre rivaux. En apparence, les violences dans les bars sont passées de mode. Il n’est pas impossible, pendant les fêtes de fin d’année ou de la Saint-Valentin de voir au coin d’une rue une jeune fille se faire littéralement passer à tabac par son petit copain. Au motif de parole non-tenue, l’infortunée peut être battue jusqu’au sang.

Ces actes graves que la société peine à éradiquer rappellent les expéditions de gangs qui sévissaient dans les années 70-80-90 du siècle dernier dans certains quartiers de Brazzaville. Constituées de manutentionnaires, pour certains rompus au racket et au braquage, ces bandes prospéraient aussi grâce à l’existence de groupes vocaux qui furent autant de références pour affirmer, comme dans toute association de ce type, l’identité de leurs membres.

Tout donnait à croire que l’argent qu’ils gagnaient à la sueur de leur front dans la manutention et par tous les moyens détournés ne devait servir qu’à s’abreuver d’alcool et se procurer du tabac. On ne sait pas si les BBN qui sévissent de nos jours ne sont pas la réplique de ce passé peu glorieux ; si les drogues dures n’en sont pas la principale cause.  

 

Jean Ayiya

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