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Gouvernance : le néocolonialisme à la manœuvre

Samedi 15 Février 2020 - 17:30

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Que ceux qui doutent encore de la volonté d’acteurs étrangers au continent de placer l’Afrique sous leur joug comme le firent dans le passé les puissances coloniales lisent avec attention les documents que publient dans le moment présent des organisations dites « non gouvernementales ». Ils y découvriront que sous le prétexte de la lutte pour la bonne gouvernance, pour le respect de l’Etat de droit, pour la lutte contre la corruption, ce genre d’institutions mène en réalité une bataille féroce dans le seul but d’affaiblir les Etats africains, de déstabiliser leur gouvernance interne et d’amener la communauté internationale à refuser les aides qui les aideraient à régler sans délai leurs problèmes financiers. Le tout, bien évidemment, pour s’imposer comme des acteurs incontournables de l’émergence africaine.

Précisons, avant d’aller plus loin, que ce néocolonialisme qui ne dit pas son nom n’est pas conduit par les Etats de l’hémisphère nord qui, dans les siècles passés, ont assis pour une large part leur prospérité présente sur l’exploitation des richesses naturelles du continent. Il est en effet mené en sous-main par des entreprises qui ont surfé hier sur l’indépendance des Etats en prenant directement ou indirectement le contrôle du commerce international de leurs ressources naturelles, ont accumulé dans leurs comptes une bonne partie de la dette de ces mêmes Etat, refusent aujourd’hui de la réduire et de l’échelonner comme l’exige  à juste titre le Fonds monétaire international.

Si, dans ce contexte sulfureux des organisations non gouvernementales s’agitent aujourd’hui sur la place publique au risque d’être accusées demain d’agir pour le compte de ces entreprises, c’est très probablement pour les deux raisons suivantes :

° D’abord parce que les attaques qu’elles mènent contre les pays producteurs de pétrole ne peuvent que leur profiter d’une manière ou d’une autre. Et, de ce point de vue, une analyse précise de leurs comptes, de leurs supporters, de leurs soutiens directs ou indirects conduite par des experts indiscutables permettrait certainement de mesurer leur véritable degré d’indépendance, sans doute aussi de comprendre les raisons de leur agressivité vis-à-vis de certains pays du grand Sud.

° Ensuite, et c’est probablement la raison la plus forte, la plus vraie, parce que ces mêmes attaques ont pour but évident de leur permettre d’influer sur la vie politique interne des Etats en favorisant dans un temps rapproché l’accès au pouvoir de gouvernants plus fragiles. Accompagnées dans leurs agressions par des médias de l’hémisphère nord qui relaient leurs arguments sans jamais les vérifier sur le terrain ni s’interroger sur les vraies raisons de ces actions, ces organisations croient naïvement qu’elles parviendront à imposer leur loi aux Etats.

Naïvement car les attaques qu’elles mènent contre les Etats africains sont vouées par avance à l’échec tout comme le furent celles conduites il y a deux décennies par les « fonds vautours ». Outre le fait qu’elles provoqueront tôt ou tard des investigations qui coûteront cher à leurs auteurs, ces agressions amèneront un jour ou l’autre les Etats comme la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis à se préoccuper de leur impact négatif sur leurs propres intérêts nationaux. Tout simplement parce que dans un temps comme celui que nous vivons où la Chine, la Russie, l’Inde, le Japon mettent tout en œuvre pour conquérir les marchés très prometteurs de l’Afrique ne pas faire taire les néocolonialistes qui s’agitent dans les capitales de l’hémisphère nord ne peut avoir que des conséquences négatives pour ces mêmes grandes puissances.

De cette bataille les pays ciblés peuvent sortir aisément vainqueurs, contrairement aux apparences, s’ils font connaître à l’échelle mondiale leur volonté de riposte par les voies appropriées et s’ils rendent coup pour coup à ceux qui les agressent.

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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