Vatican : le théologien personnel du pape met en cause l’argent corrupteur

Samedi 19 Avril 2014 - 16:50

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

En plein débat sur le salaire des hauts-cadres en Italie, le père Cantalamessa réaffirme que Judas fut faible devant l’argent ; c’est ce qui le perdit. Polémique.

Il est de tradition que le pape suive une semaine de retraite au Vatican les grandes fêtes chrétiennes. Une telle retraite est toujours dirigée par un théologien officiel qui redit au pape ce qu’il sait sans doute déjà, mais qui est illustré avec le brio de l’homme de science que doit être son prédicateur pontifical. Depuis le pape Jean-Paul II, ce rôle est dévolu au père franciscain italien Raniero Cantalamessa. C’est lui qui a prêché la retraite spirituelle du pape pour Pâques de cette année.

Et si, comme toutes les années, les homélies du père Cantalamessa font écho dans les médias, cette année sa réflexion a eu plus qu’un écho encore. Etant basée sur le thème de l’argent, elle a encadré aussi un débat qui a agité la classe politique italienne tout au long de la semaine, autour des salaires des dirigeants des grandes entreprises et administrations publiques. Ces salaires ont été « taillés », finalement, par le gouvernement de M. Matteo Renzi, mais bon nombre d’entre ces grands commis s’en sont dits mécontents. Mais d’une manière globale, l’opinion est d’accord avec le gouvernement : il est indécent qu’un directeur gagne plusieurs fois plus que le salaire du plus humble de ses collaborateurs.

Aussi lorsque le père Cantalamessa a proclamé dans son prêche que l’argent était un mauvais maître, n’a-t-il fait qu’ajouter de l’huile brûlante sur une plaie déjà vive. D’autant qu’il a aussi affirmé : « Sans penser (aux) moyens criminels pour accumuler de l’argent, n’est-il déjà pas un scandale que certains perçoivent des salaires et des retraites cinquante ou cent fois supérieurs aux salaires et retraites de ceux qui travaillent à leurs dépendances et qu’ils élèvent la voix dès que se profile l’éventualité de devoir renoncer à quelque chose, en vue d’une plus grand justice sociale? »

La presse dans son ensemble s’est saisie de ces proclamations soulignant que le prédicateur du pape avait condamné les managers des grandes sociétés, d’autres affirmant tout de go que le pape s’était mis contre le capitalisme. C’est sans doute un double raccourci, mais le père Cantalamessa a développé le sujet ardu de Judas. Il existe des tonnes de livres d’érudits chrétiens ou non sur la trahison de Judas Iscariote. Il a soutenu que « Judas n’était pas né traitre ; mais qu’il l’était devenu », sa faiblesse devant l’argent l’ayant appelé à servir deux maîtres. «Judas commença par soutirer un peu d’argent de la caisse commune. Cela ne dit-il rien à certains administrateurs de l’argent public ? », a-t-il relevé.

Prenant le contrepied de certaines thèses déterministes qui rendent la figure de Judas-le-traitre presque sympathique, puisque Dieu qui l’a créé et Jésus qui l’a soutenu savaient qu’il allait trahir, le théologien du pape a soutenu que ce qui a perdu cet homme était son manque de confiance dans la miséricorde de Dieu. « Le dieu argent se charge de punir lui-même ses adorateurs (…). L’argent est le « dieu visible », contrairement au vrai Dieu qui est invisible » et qui pardonne toujours. De le savoir rend vaine donc toute tentative d'adresser des circonstances atténuantes à celui qui, pour trente dénier, livra le fils de Dieu.

Lucien Mpama