Interview. Grégoire Dieudonné Samba : « Certaines entreprises échappent au paiement des impôts à Pointe-Noire et au Kouilou »

Mercredi 25 Mars 2020 - 18:48

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Grégoire Dieudonné Samba, inspecteur des finances, coordonnateur de la commission mixte des restes à recouvrer aux impôts et à la douane pour les deux départements, l'a déclaré au cours d'un entretien qu'il a accordé aux Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : Quel a été le motif essentiel de votre descente dans les départements de Pointe-Noire et du Kouilou ?

 

Grégoire Dieudonné Samba : Le but essentiel de ce travail est de permettre la normalisation, le rééquilibrage des données macro-économiques du pays, car le pays était en pourparlers avec le FMI. Tout ceci, c’est pour éviter de tomber dans des mesures d’ajustement structurel, notamment l’éventualité de diminution des salaires des agents de l’Etat à hauteur de 30%, l’augmentation du prix du carburant à la pompe, etc. Bref, toute sorte d’ingrédients ou de facteurs pouvant provoquer des troubles sociaux dans le pays. Personne ne souhaite qu’on en arrive là. Voilà donc les enjeux de la commission qui a été mise en place dont j’ai eu la chance de coordonner dans ces deux départements

LDB : Comment êtes-vous arrivé à constater l’existence sur place de cette situation d’évasion fiscale ?

 

G.D.S : Il a été constaté qu’une bonne part de convocations émises à l’endroit de contribuables devant à l’Etat ne parvenaient pas aux destinataires. Elles étaient bloquées au niveau de certains responsables de domiciles fiscaux qui ne les transmettaient pas aux concernés. Tout comme aussi n’étaient pas transmis à la commission certains documents demandés à des responsables d’administrations membres de la commission concernant des créances dues à l’Etat. J’ai initié auprès de la hiérarchie des sanctions administratives à l’encontre de certains concernés et j’ai informé en même temps la hiérarchie qui a demandé que je lui livre les noms des concernés bloquant les travaux de la commission.

 

 LDB : Qu’avez-vous constaté lors de votre enquête ?

G.D.S : Un grand désordre connu et même favorisé par certaines autorités administratives locales et autres, particulièrement aux impôts. On note : une évasion fiscale élargie, car de nombreuses sociétés produisant industriellement en exportant ou important ne paient rien à l’Etat, tant par la douane que par les impôts. Elles se disent protégées par des parrains au niveau de l’Administration publique. La conséquence, c’est une  concurrence commerciale déloyale. Ceux qui sont en règle ne vendent pas facilement leurs marchandises, parce qu’étouffés par ceux qui n’ont pas de charges fiscales et qui rabattent irrégulièrement les prix au détriment de ceux qui s’acquittent de leurs contributions à l’Etat.  

LDB: Quels sont d’autres manquements que vous aviez pu constater lors de cette enquête ?

G.D.S : Outre cela, il a été constaté de graves dysfonctionnements très probablement intentionnels au niveau des systèmes informatiques locaux, notamment au ‘’SYSTAF’’ entre autres, où des créances dûment acquittées par des contribuables demeurent non décomptées et donc, à terme, finissent par être comptabilisées comme restes à recouvrer, alors qu’elles sont éteintes. Il y a aussi l’existence de nombreux cas de concussion (encaissements de recettes non autorisées auprès des caisses publiques). Enfin, il y a lieu de revenir sur certaines entreprises du lot constaté, qui sont dépourvues de papiers et autres d’autorisation d’exercer, produisant sur place et/ou exportant leurs productions dans des pays étrangers, sans rien payer à leur hôte, c’est-à-dire l’Etat congolais.  

LDB : Comment votre travail est-il apprécié par votre hiérarchie ?  

G.D.S : J’ai été traduit en conseil de discipline et je suis présentement suspendu de mes fonctions par note de service n°030/MFB-IGF-DAF-SRF du 13 mars 2020, pour avoir défendu l’intérêt général de l’Etat, en dénonçant des faits de crimes économiques constatés.

LDB : Votre mot de fin

G.D.S : J’estime avoir œuvré pour la sauvegarde de l’intérêt général. A l’Inspection générale des finances, nous avons à servir l’intérêt général. Les missions de cette structure du ministère des Finances s’inscrivent dans le cadre global du respect au principe majeur du droit public qu’est la sauvegarde de l’intérêt général.

 

 

Propos recueillis par Faustin Akono et Séverin Ibara

Légendes et crédits photo : 

Grégoire Dieudonné Samba Adiac

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