La littérature congolaise est en deuil : Daniel Biyaoula est mort

Samedi 31 Mai 2014 - 0:00

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Le 25 mai 2014,  Daniel Biyaoula a tiré sa révérence après avoir écrit trois romans publiés chez Présence africaine entre 1996 et 2003. Docteur en microbiologie, l’écrivain résidait en France depuis plusieurs décennies. Retour sur le parcours de l’un des auteurs majeurs de la littérature congolaise

Lorsqu’en 1997, il publie son premier roman, L’Impasse, Daniel Biyaoula se voit rapidement couronné par le Grand Prix littéraire de l’Afrique noire. Le paysage littéraire négro-africain voit en lui l’arrivée d’un renouveau dans la littérature africaine. Décomplexé, l’auteur se saisissait dès lors d’un thème très peu abordé jusque-là par ses contemporains. Mais il ouvrait aussi le bal des parutions d’autres romans, dits de la migritude, dans laquelle s’illustreront chacun à sa manière Alain Mabanckou (Bleu Blanc Rouge) et Sami Tchak (Place des fêtes). Roman de l’exil et du retour, L’Impasse de Daniel Biyaoula raconte le retour au pays natal de Joseph Gakatuka, surnomé Kala (charbon), après quinze années passées à l’extérieur. On suit le regard consterné de l’individu face aux réalités auxquelles il doit faire face au sein de sa communauté.

Le désenchantement le gagne devant le culte de la personnalité prôné par les siens et la sensation « de [se] prostituer, de [s]’asseoir sur [ses] idées, [ses] convictions, de marcher sur ce qu'[il] pense le plus important dans [sa] vie » l’envahit, le faisant parfois culpabiliser d’être longtemps resté à l’étranger. Un va-et-vient s’installe entre l’image du Parisien que lui colle sa famille et celle qu’il veut imposer. Ces identités doubles sont ici portées par une langue spécifique à l’auteur, tenue par des expressions faites de néologismes empruntés au français parlé.

Dans Agonies, son second roman où se côtoient deux histoires d’amour, il est question d’exil et de précarité identitaire vécus au cœur d’une banlieue parisienne, Parqueville, dont les habitants sont partagés entre respect des traditions africaines et influence des codes du monde occidental. C’est en fin sociologue que l’auteur porte dans ses ouvrages un regard acéré sur la vie des Africains en exil. Quant à son  troisième roman, La Source de joies, Alain Mabanckou le décrit comme « un éloge de l’amitié, mais aussi une véritable source de reddition  de comptes d’une jeunesse africaine à la dérive ».

Daniel Biyaoula était né en novembre 1953. Il a fait ses études primaires et secondaires à linzolo dans le Pool avant de rejoindre le lycée Pierre-Savorgnan-de-Brazza où il obtint son bac en 1975. Arrivé en France pour ses études supérieures, le jeune Congolais étudia la biologie à Dijon jusqu’à l’obtention de son doctorat en microbiologie. Au Congo, son nom, Biyaoula, rappelle à plus d’un la fameuse épopée de son grand frère, Fulgence Biyaoula, un syndicaliste de la Confédération africaine des travailleurs croyants, qui, dans les années 1960, se déguisa en femme pour tenter d’échapper aux autorités congolaises.

Co-auteur de l´ouvrage historique collectif Pouchkine et le Monde noir (1999), Daniel Biyaoula est également auteur de trois nouvelles : Le Destin de Zu (1997), Le Mystère de la tortue (2001), et Le Dernier Homme (2002). 

Sa disparition a affecté de nombreuses personnalités littéraires africaines. Les hommages affluent sur la toile, tel celui d’Alain Mabanckou : « Je perds non seulement un collègue, mais aussi un ami, un grand frère qui m’apprit beaucoup sur l’exigence du travail littéraire. »

Meryll Mezath