Abdon Fortuné Koumbha : « Il est temps qu’une autre localité devienne le creuset des dialogues des cultures »

Samedi 31 Mai 2014 - 0:15

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Abdon Fortuné Koumbha est le directeur artistique du festival international Riapl qui présente sa dixième édition à Dolisie, au Congo, du 2 au 8 juin. Il nous renseigne sur la programmation de cette dixième édition et les raisons de la délocalisation du festival à Dolisie, dans le Niari

Les Dépêches de Brazzaville : Le festival Riapl organise sa dixième édition au mois de juin. Peut-on savoir la programmation de ces noces d’étain ?
Abdon Fortuné Koumbha : Dix ans, ce n’est pas dix jours, encore moins dix semaines ou dix mois. Le thème de cette édition est « Dix ans et après ? » C’est le temps de faire un bilan. Pas de réflexion théorique. Doit-on arrêter ou continuer ? Pour cette édition, nous avons invité plus d’artistes que les éditions précédentes. C’est un peu fou, mais c’est pour marquer notre couleur. Nous avons mis un accent particulier sur le langage, contrairement aux éditions antérieures qui valorisaient la parole sous toutes ses formes, notamment la parole conteuse et le slam. Mais là, on a voulu aller un peu au-delà, croiser la parole et le langage. Nous avons invité sur le sol congolais, à Dolisie, où nous avons installé le village du festival Riapl, une compagnie marocaine dirigée par Khalid Tamer, le président par interim de la Commission internationale du théâtre francophone, pour initier des jeunes et des adultes à la fabrication et à la manipulation de marionnettes géantes. Cela augure des perspectives encourageantes pour l’appropriation de ce savoir par nos jeunes. Plusieurs autres activités sont prévues pour cette dixième édition du Riapl, à savoir le carnaval ou les parades de marionnettes géantes issues de l’atelier avec les jeunes à Dolisie à travers différentes artères de la ville. Les flash-contes à l’hôpital, les contes en famille dans la cour privée, les excursions contées et la collecte des contes sur des thèmes bien précis : les peurs, par l’artiste Jeanine Qannari ; les fous, par Mar Buléon ; et les féticheurs, par Michel Corrignan. Tous les éléments issus de la collecte seront transcris, traduits et notés de façon que trois ans après des spectacles seront crées sur ces bases. Il était programmé des journées de réflexion entre les lycéens et les étudiant de l’école normale d’instituteur de Dolisie et Zuzy Platiel, une ethnolinguiste française sur l’importance des contes dans les programmes scolaires. Malheureusement, des ennuis de santé ont eu raison d’elle, donc ne pourra pas être des nôtres, mais nous envisageons quelque chose en lien avec l’éducation scolaire. Par ailleurs, avec des artistes de la Guyanne, de la Martinique et du Congo, nous essaierons de regarder ensemble la façon dont les veillées contées se déroulaient dans nos espaces géographiques. C’est un regard croisé sur les traditions du conte et du langage, d’autant plus que tous ces peuples ont en commun un seul socle : l’Afrique. Un atelier de slam sera organisé par Marie-Pierre Loizeau, surnommé Mapie, avec le groupe de slameurs de Brazzaville et des élèves du lycée d’excellence de Mbouda, à Dolisie. J’ai proposé  à  Mapie de travailler avec les élèves de quatrième jusqu’à la seconde pour perpétuer les acquis de cet atelier. Parce que si vous travaillez avec les élèves de classe de terminale, après le bac ils sont contraints de poursuivre des études à Brazzaville, où nous avons l’unique université.

Pourquoi le choix de Dolisie ?
Dolisie est la première localité qui nous a permis de collecter les premières devinettes de Riapl en 2005. Nous souhaitons à terme aider les jeunes  artistes de Dolisie à s’ouvrir à leurs cultures et à en apprendre d’autres venues d’ailleurs. Dolisie est une ville où la vie artistique semble morte, en ce sens qu’elle manque d'artistes professionnels et de centres d’art. Par ailleurs, le Centre culturel de Dolisie, en cours de construction, ouvrira certainement ses portes les années suivantes, et nous souhaitons collaborer avec les autorités municipales pour former des jeunes en leur apportant notre expertise.

À l’avenir, est-ce que d’autres localités du Congo pourront accueillir le Riapl ?
Le Riapl est un festival itinérant. Il n’est pas exclu à l’avenir de poser nos valises dans d’autres départements du Congo, mais pour l’heure ce sera à Dolisie. Durant neuf ans, c’est Brazzaville qui était le point focal. Des cultures du monde entier ont convergé vers Brazzaville à travers le festival Riapl. Il est temps qu’une autre localité devienne le creuset des dialogues de cultures. Et c’est la ville de Dolisie, dans le Niari qui a eu cet honneur.

Propos recueillis par Roll Mbemba