Africajarc : le Lot aux rythmes africains

Vendredi 2 Août 2013 - 19:00

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Malgré les intempéries qui ont entraîné l’annulation de plusieurs concerts, la quinzième édition du Festival des cultures africaines qui se tenait du 25 au 28 juillet n’a pas failli à sa réputation

Chaque année depuis quinze ans, le dernier week-end de juillet, la petite ville de Cajarc dans le département du Lot se transforme et revêt les couleurs de l’Afrique. Près de 230 bénévoles rendent possibles ces quatre jours de festivités dans un cadre enchanteur au bord du Lot. On comprend vite pourquoi le festival attire à chaque édition de nombreux habitués, artistes comme spectateurs.

Les temps forts de cette édition 2013 furent la Nuit du Mali, la soirée afrojazz et l’afroguinguette, sans oublier les habituelles déambulations, expositions, conférences, séances de cinéma, de contes, stages de danse, de percussions, le marché africain et le stand-up du Congolais Phil Darwin en soirée d’ouverture. Il y en avait donc pour tous les goûts !

Le Mali à l’honneur

La soirée du vendredi soir sur la grande scène du festival était dédiée à de grands musiciens maliens et placée sous le signe de la paix et de l'appel à l'unité au Mali. Cette Nuit du Mali s’est ouverte avec Tende Disswat, un groupe formé autour de femmes tamasheq et d'un instrument traditionnel joué exclusivement par elles, le tindé. Ce chant du tindé est avant tout le chant de ces femmes, explorant le répertoire musical traditionnel du Sahara.

Pedro Kouyaté a pris le relais, lui aussi porteur d’une tradition malienne : celle des chasseurs mandingues. Il prend pour racine la musique de cette confrérie secrète à laquelle il a confié appartenir, s’empare de la guitare ou du ngoni et crée une transe hypnotique avec son groupe, le Mandinka Transe Acoustique : Nelson Hamilcaro à la basse, Florent Dupuit au saxophone et Renaud Ollivier à la batterie. Très remarqué cette année au festival Musiques métisses d’Angoulême, Pedro Kouyaté a confirmé qu’il fallait désormais le compter parmi les grands. Il sera en concert les 4 et 5 août au festival Jazz in Marciac et à Paris le 2 novembre.

C’est au tour de l’immense joueur de kora, Ballaké Sissoko, porteur de la tradition des grands maîtres mandingues, de monter sur la grande scène du festival. Fils de Djelimady Sissoko, lui-même virtuose de la kora, et cousin de Toumani Diabité, il était destiné à la musique. À la mort de son père en 1981, il reprend son légendaire Ensemble Instrumental du Mali et mène depuis une carrière hors du commun en imposant un style très personnel : neuf albums à son actif, et de nombreuses collaborations musicales à l'image de l'album Chamber Music enregistré avec le violoncelliste français Vincent Segal et récompensé par une Victoire de la musique en 2010. Les deux artistes récidivent en octobre 2012 en produisant At Peace, le nouvel album que Ballaké Sissoko a présenté cette année à Africajarc, accompagné par Aboubacar et Moussa Diabaté aux guitares et Fassery Diabaté au balafon. Il jouera ensuite en solo au festival Fest’Afrik le 9 août et le 7 septembre au Trianon à Paris.

La révélation scénique de la soirée était Fatoumata Diawara. Elle, qui fut d’abord comédienne de cinéma et de théâtre, a eu raison de se lancer dans la musique après avoir été remarquée par Cheick Tidiane Seck. Elle a collaboré avec de grands artistes comme Dee Dee Bridgewater ou Oumou Sangaré avant d’enregistrer son premier album, Fatou, sorti en octobre 2011. Auteur-compositeur, elle utilise des rythmes ouest-africains métissés de sonorités jazz, folk et blues. Dans ses textes, elle évoque les problèmes de l’Afrique moderne et n’hésite pas à réunir en janvier 2013 quarante artistes maliens pour chanter la paix. Sur la grande scène d’Africajarc, elle a appelé à valoriser l’action des femmes en Afrique et fait vibrer le public pendant près d’une heure et demie au rythme 6/8 en offrant une démonstration de danse de l’Éthiopie au Sénégal en passant par le Congo. Elle sera en concert le 11 septembre à la Cité de la musique de Paris pour le festival Jazz à la Villette et le 10 octobre au Havre.

Mamani Keïta a clos cette nuit de musique au son de sa voix reconnaissable entre mille. Repérée par Salif Keïta dans les années 1980 au Mali, elle devient choriste des plus grands, de Hank Jones à Cheick Tidiane Seck. Elle a aujourd’hui trois albums à son actif : Electro Bamako, Yelema et Gagner l’argent français.

Les Tambours de Brazza, victimes de la tempête

C'est une vraie tempête qui s’est abattue sur Cajarc samedi en fin d’après-midi, empêchant toute manifestation le soir même. Pourtant, la soirée afrojazz s’annonçait grandiose, avec au programme le chanteur et guitariste camerounais Roland Tchakounté et le maitre Manu Dibango, référence vivante du jazz et de la musique africaine qui devait jouer dans le cadre de sa tournée Hommage au Mali, accompagné de son Soul Makossa Gang et de Ballaké Sissoko. Dans la salle des fêtes de la ville reconvertie en lieu d’accueil, le saxophoniste est venu saluer l’équipe du festival.

Les Tambours de Brazza devaient clôturer cette belle soirée et mettre le feu à Cajarc : la déception fut donc partagée par le public et les artistes. Ils ont cependant offert aux bénévoles une performance d’une vingtaine de minutes dans la salle des fêtes, en formation réduite et acoustique. Leur énergie communicative a certainement donné envie à tous de venir les voir le 25 août à Argenteuil, ce n’est que partie remise !

 

La révélation Gasandji

Née en RDC, Gasandji, ou « celle qui éveille les consciences » en lingala, a captivé le public lors de la soirée de clôture du festival dimanche soir. Puisés à la source de l’Afrique et métissés d’influences jazz, soul et reggae, sa musique et son chant ont une dimension mystique. Accompagnée par Amen Viana à la guitare et Koto Brawa aux percussions, son énergie et ses chansons en lingala, français et anglais ont fait mouche.

C’est en 2010 au festival des Francofolies à La Rochelle qu’elle se fait connaître. Elle avait travaillé auparavant en tant que danseuse et chorégraphe pour IAM, MC Solaar ou Princesse Erika, mais elle décide de se lancer dans la musique : trouver un label lui prendra cependant plusieurs années... Créative et déterminée, elle sort son premier album éponyme le 25 avril dernier sur le label Plus Loin Music. Gasandji s’illustre en première partie d’artistes comme Lokua Kanza, Keziah Jones, Nneka, Imany ou Amadou et Mariam. Lauréate du prix Charles-Cros et Talent édition RFI cette année, plus rien ne peut l'arrêter. La magie opère sur scène donc ne la ratez pas : elle sera le 15 septembre à Saint-Saturnin pour le festival Jours de lumière et à Genève le 30 novembre.

Le festival s’est terminé par un bal africain, une guinguette menée par Cheikh Sow, chanteur et parolier sénégalais et Jacques Métivier, accordéoniste et compositeur français, rejoints par Patrick Bruneau à la guitare et Djilaly Ferhati à la batterie. Ils forment un quatuor hétéroclite qui met à l’honneur le mélange des genres sur des textes en français et en wolof. La fête s’est terminée tard dans la nuit. À l’année prochaine, Africajarc !

Chaque samedi du mois d'août, retrouvez le portrait d'une personnalité rencontrée au festival Africajarc

Pauline Pétesch

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Fatoumata Diawara ; Photo 2 : Manu Dibango et Élie Lemboussou ; Photo 3 : Les Tambours de Brazza ; Photo 4 : Gasandji. (© Adiac)