Serge Ibaka : « Peut-être qu’aujourd’hui, avec l’émergence de cette génération, j’aurais fait un autre choix »

Samedi 28 Juin 2014 - 0:30

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Serge Ibaka sera à Brazzaville ce week-end pour les Ibaka Games. Si la star d’Oklahoma City joue pour l’équipe nationale espagnole, il n’en oublie pas pour autant son pays natal. Et veut participer à l’essor du basket congolais. Entretien

Les Dépêches de Brazzaville : Serge, tous les Congolais se posent une question : pourquoi avez-vous choisi la sélection espagnole ?
Serge Ibaka : Tu sais, il faut faire des choix dans la vie, et j’espère que les gens vont comprendre le mien. Mon cœur et mon sang sont congolais, et j’aime mon pays. Mais la vie de sportif n’est pas facile au Congo. Regarde mon père, c’était un grand basketteur et il devait quand même travailler à côté. Aujourd’hui, il est en France, il est heureux, grâce à Dieu et grâce à moi. Avec la carrière que j’ai faite, je peux aider toute ma famille, qui est nombreuse.

Vous pensez qu’en jouant pour le Congo, vous auriez eu une carrière différente ?
Oui, c’est sûr.

C’est pourtant sous le maillot du Congo, lors du Championnat d’Afrique junior 2005, que vous allez être repéré…
Oui, je fais un bon tournoi à Durban : meilleur joueur, meilleur marqueur, meilleur rebondeur, meilleur contreur… J’ai encore les quatre trophées. Mais entre meilleur jeune du Championnat d’Afrique junior et finaliste de la NBA, il y a une grande marge. Et c’est mon parcours à L’Hospitalet puis avec la sélection espagnole qui m’a permis de progresser et de concrétiser mes rêves. Moi, depuis tout petit, je voulais aller au sommet, jouer contre les meilleurs, disputer la Coupe du Monde, les JO. Je voyais les Angolais aux JO et je me disais « c’est beau ». Mais clairement, à l’époque, il fallait être fou pour penser que je pourrais aller aux Jeux olympiques avec le Congo…

Mais n’est-ce pas un rêve ou un rendez-vous manqué, car aujourd’hui, avec Oniangué, Mipoka, Boungou Colo et Morlende, vous auriez pu composer une équipe compétitive ?
Oui, aujourd’hui. Mais à cette époque, j’étais seul, sans faire injure à personne, et c’était difficile de se projeter. Et dans le même temps, j’ai eu l’opportunité d’intégrer la meilleure équipe d’Europe, l’Espagne. Quand tu rêves de ça depuis l’enfance, tu ne peux pas dire non…Et je ne regrette pas ce choix, car j’ai vécu les grands moments dont je rêvais, avec la finale de 2012 face aux USA à Londres, avec la victoire à l’Euro 2011. Peut-être qu’aujourd’hui, avec l’émergence de cette génération, j’aurais fait un autre choix, qui sait…

Vous n’avez pas pour autant oublié votre pays et votre ville natale, puisque vous serez ce week-end à Brazzaville dans le cadre de plusieurs opérations caritatives…
Je viens dans le cadre de l’Unicef pour soutenir des orphelinats. Il y a deux ans, l’Unicef m’a demandé de porter le projet, en allant chercher des fonds, en plus des miens, pour permettre à deux orphelinats de fonctionner. Donc, j’ai sorti 50 % de ma poche, puis je suis allé voir mes sponsors, des amis…

Vous serez aussi à Brazzaville pour les Ibaka Games…
Oui. Dans ce cadre, nous allons soutenir les clubs congolais par des dons de matériels et d’équipements, allant des ballons aux chaussures, pour permettre aux jeunes joueurs de bénéficier de bonnes conditions d’apprentissage. En tous cas, meilleures que les nôtres. Nous irons à Dolisie, à Pointe-Noire, Owando, Kinkala, Oyo pour soutenir les écoles et clubs de baskets. Il y aura aussi une visite chez mon club formateur, l’Avenir du rail, où l’on a rénové le terrain.

C’est vous qui financez tout cela ?
Non, c’est grâce à mon sponsor ECair et la Fondation ECair. Tout seul, c’était difficile. Comme pour l’Unicef, je veux aider, mais je ne peux pas tout faire seul. Comme je t’ai dit, c’est important d’aider les autres, mais il faut aussi penser à la famille et j’ai seize frères et sœurs, qui font des études, ma grand-mère…

Les Ibaka Games, ce sont aussi des matchs d’exhibition. Qui est attendu ?
Je voulais faire venir des amis de NBA, mais la fin de saison, entre ma blessure et les play-offs, a été compliquée. Il y aura tout de même Nando De Colo (ex-San Antonio, désormais aux Toronto Raptors) et des joueurs de Pro A comme Andrew Albicy (Paris-Levallois), Antoine Mendy (Dijon) et des internationaux africains comme Amara Sy de l’Asvel… Et, bien sûr, Giovan et Nobel.

Vos amis Diables rouges, justement, comment les aider, vous qui ne pouvez plus porter le maillot congolais ?
Les Ibaka Games sont une première étape, car ils peuvent rapporter une exposition médiatique au basket. Et en soutenant les écoles, on soutient les champions de demain…

Mais plus concrètement, tout ne s’est pas bien passé en termes d’organisation à l’Afro Basket, ce qui rebute certains professionnels. Comment pouvez-vous aider à aller vers le professionnalisme ?
Je ne peux pas venir et dire : « Vous, ce que vous faites, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire ! » Par contre, en montrant l’exemple, on va tirer tout ça, petit à petit. L’été dernier, mon ami Yacine Ben Fylla avait initié tout ça en organisant le stage de préparation des Diables rouges de la diaspora. Il faut continuer comme ça, car le talent est partout au Congo. Alors, continuons à travailler, car on n'arrive à rien sans travail.

Propos recueillis par Camille Delourme