Le raphia : une richesse du département des Plateaux

Mardi 13 Août 2013 - 17:30

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Le potentiel économique des Plateaux ne se limite pas aux seuls produits issus de la culture de la pomme de terre, de l’igname, du manioc, de la patate douce ou de l’arachide. Son essor devrait également trouver son ancrage autour du raphia, partagé entre tradition et modernité en dépit du fait qu’aucune filière économique ne lui a encore été trouvée

Dénommé « nzimba » ou « ndzouona » par les populations des Plateaux et de la Cuvette, le raphia est selon l’historien congolais Jérôme Ollandet une fibre textile très solide qui peut servir à confectionner des cordages, des liens et du tissu d’ameublement. Cette matière de couleur jaune ivoire est extraite des jeunes feuilles enroulées autour des pétioles du palmier raphia. On l’obtient en pressant le bout pointu de la foliole entre le pouce et l’index. Ainsi, à partir du point d’attache, la fibre se dégage du reste de la foliole. L’exploitation et la vente du raphia restent l’une des principales activités du département des Plateaux, notamment des districts de Djambala et Lékana. Localement, l’activité est en plein essor vu le nombre croissant de commerçants et le volume de fibres extraites chaque jour. Des plantations voient le jour, donnant peu a peu de l’idée d’une prochaine industrialisation.

Malgré une activité juteuse pour les populations paysanne, les méthodes d’extraction demeurent archaïques. L'extraction exige beaucoup de précautions car les feuilles extraites portent des épines crochues qui pénètrent facilement dans les doigts. Ce qui  expose souvent les artisans à d’énormes difficultés. Partagée entre tradition et initiation, l’activité autour du raphia porte encore le poids des interdits. Elle est réservée aux hommes, et sa science se transmet héréditairement et nul ne peut l’exercer librement. L’apprenti doit être un frère, cadet, fils ou neveu utérin de l’artisan auquel il succédera. Le maître accompagnera l’élève dans son travail jusqu'à maturité.

Un tissu de prédilection pour les us et coutumes

D’après les historiens, avant l’arrivée des cotonnades d’origine européenne sur le marché, les étoffes de raphia de dimension variables servaient d’habits d’homme et pour l’exécution des danses favorites issus des terroirs Kouyou et Mbochi : Kiebé-kiebé, Ekongo, et bien d’autres.  L’importance de cette matière se justifie également par le fait que dans la période coloniale, notamment dans les années 1930, les essais de culture et l’utilisation de produits nés du coton que l’administration française devait introduire dans la Cuvette et d’autres départements avaient échoué à cause de la filasse du raphia que les populations admiraient beaucoup. Car elle reflétait les couleurs de leurs us et coutumes. La fabrication et l’utilisation des tissus de raphia conservent toujours  un caractère rituel important lors des grandes cérémonies à l’instar des mariages et des obsèques. Il est aussi utilisé pour la confection et l’ornement des parures d’objets de luxe, tels que chapeaux d’apparat que portent jusqu’alors les notables et chefs coutumiers, les bracelets et l’habillage des masques de certaines danses rituelles dans plusieurs contrées du Congo.

 La déco et la mode s’emparent du raphia

L’époque où le raphia fut également un grand élément d’échange entre les Tékés et les Mbochis, notamment dans leurs traités commerciaux, est révolue. En effet, les premiers habiles tisserands d’origine téké vendaient aux terroirs Mbochi des étoffes de raphia dénommés en langue Kouyou, Makoua  et Mbochi « Etobé » et en français « Ikwasare ».

À l’heure de la valorisation de l’identité culturelle, la mode et la décoration ont  trouvé un élément d’orgueil. Même si la frange des couturiers et modélistes à confectionner à l’aide de ce tissu est encore insignifiante, l’élan économique que l’activité procure est à encourager. Comment alors créer une filière autour de ce tissu ? La question est importante. Mais quelques pistes peuvent éclairer la démarche : organiser les artisans en association pour pérenniser la plante d’où provient le raphia et leurs accorder des crédits au niveau des banques afin qu’ils améliorent  les techniques d’extraction. La politique favorisera l’augmentation de la matière et incitera les couturiers et modélistes à proposer des articles à bon prix. Car le prix est tributaire de la disponibilité du produit. Surtout qu’aujourd’hui les grands couturiers européens mélangent le raphia avec d’autres matières pour fabriquer habits et chaussures de luxe qui coûtent très cher. Ces exemples attestent de la place qu’il occupe au niveau international, d’où son caractère de matière première en voie d’intégrer la sphère des produits sollicités par les acteurs des marchés mondiaux.

Par exemple, au Togo, il sert à la fabrication des échasses : la nervure de la feuille sert à faire le montant de l'échasse elle-même (entre deux et cinq mètres), les fibres tressées servant à faire la corde qui sert à entourer la jambe contre l'échasse. Ce qui fait que le raphia est une fibre utilisée aujourd’hui en Afrique centrale par bon nombre de stylistes.

Notons que selon Jérôme Ollandet, en dépit du rôle qu’il jouerait dans l’avenir, le raphia a un passé indubitablement riche. Par exemple, à l’installation des compagnies concessionnaires du Nord-Congo, telle que la Compagnie française du haut et du bas Congo, cette filasse a longtemps servi comme produit de traite que ces entreprises achetaient auprès des paysans. Elles s’en servaient pour le bourrage des matelas, les sièges des automobiles et les coussins des fauteuils.

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