Robert Nouzaret : « La RDC est comme les autres mauvaises sélections africaines, avec tous ses travers…»

Samedi 23 Août 2014 - 5:00

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Au lendemain de la victoire haut la main de l’Allemagne à la vingtième édition de la Coupe du Monde Fifa organisée au Brésil, l’ancien sélectionneur des Léopards de la RDC, Robert Nouzaret, a daigné répondre aux questions des Dépêches de Brazzaville. Ce technicien français du football, ancien coach de l’Olympique lyonnais, Saint-Étienne, Montpellier en France et ancien sélectionneur aussi de la Côte d’Ivoire et de la Guinée, analyse la prestation africaine à ce tournoi mondial et répond à d’autres préoccupations nationales sportives. Entretien

Les Dépêches de Brazzaville : La Coupe du Monde au Brésil a été exceptionnelle, avec un grand nombre de buts déjà au premier tour par rapport à d’autres éditions. Y a-t-il eu évolution au niveau du plan tactique des équipes ?
Robert Nouzaret : Par la qualité du jeu et l’état d’esprit des athlètes, ce Mondial, l’une de meilleures Coupes du Monde, vient de montrer une autre image qui manquait depuis longtemps au football. Tactiquement, il n’y pas eu de grand changement, les équipes ont joué comme d’habitude, soit en 4-4-2, 4-3-3, ou encore en 3-5-2. Mais c’est surtout l’état d’esprit des joueurs et des coachs qui a changé. Dès le début de la compétition, les équipes ont plus joué pour gagner, et pour ne pas perdre, en matchs des poules, à part certaines exceptions comme la Grèce qui s’est quand même qualifiée pour le deuxième tour. Après la défaite contre la Belgique, l’Algérie par exemple a dû modifier son jeu contre la Russie… Et les matchs à élimination directe ont été plus intéressants.

La plupart des stars africaines qui font la fierté de leurs clubs en Europe n’ont pas été capables des mêmes prestations à la Coupe du Monde avec leurs sélections. Pourquoi cette différence ?
Les joueurs vedettes africains sont arrivés fatigués après une saison intense en club, c’est le cas de l’Ivoirien Yaya Touré. D’autres ont été déçus, comme Didier Drogba, de ne pas être titulaires, ou diminués dans l’esprit collectif, d’autres encore ont été plus préoccupés par leur avenir personnel, ou par les attitudes de certains politiques ou membres des fédérations, hélas !

C’est la troisième participation de suite à la Coupe du Monde (qui s’ajoutent à plusieurs autres participations) pour certaines équipes africaines. Mais elles ont du mal à passer les huitièmes de finales. Votre lecture de cette situation ?
Mon expérience africaine, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Conakry, en Algérie ou en RDC, m’a fait comprendre qu’un jour des équipes nationales africaines seront championnes du monde. Mais cela n’arrive pas encore pour les mêmes constats : problèmes d’organisation, problèmes de fonctionnement, choix de sélectionneur pas toujours adapté au pays correspondant, de nombreux cas liés à la corruption dans le milieu du football, problèmes d’argent liés aux primes et au racket des dirigeants vis-à-vis des joueurs. Dans ce lot des problèmes, il y a aussi celui relatif à la compétence des dirigeants des fédérations, à l’ingérence incroyable des politiques dans leur volonté de choisir et de décider à la place des personnes désignées pour cela, et la problématique des accointances ethniques entre joueurs de la même équipe.

Vous connaissez le football congolais, car vous avez été sélectionneur de la RDC. Pensez-vous que les Léopards, au vu de la prestation de certaines équipes africaines, ont leur place à la Coupe du Monde ?
La RDC est comme les autres mauvaises sélections africaines avec tous ses travers… Le football de ce pays n’ira pas de l’avant tant qu’on ne remplira pas les exigences requises. Ce pays si grand et puissant possédant une population énorme de footballeurs pouvant former de bons joueurs doit comprendre qu’il faut s’adapter aux exigences du football mondial pour développer une politique sportive avec de la patience ; il s’agit ici de l’organisation du football dans le pays en commençant par la formation et les compétitions de jeunes, tout faire pour que les clubs soient bien gérés comme le TP Mazembe ; que l’on fasse aussi confiance aux joueurs expatriés formés en Europe et dont l’expérience des compétitions doit leur permettre d’améliorer le niveau des locaux en complémentarité et non en opposition.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Photo : Robert Nouzaret, ancien sélectionneur de la RDC. (© DR)