Débats très animés au synode du Vatican sur la famille

Mercredi 8 Octobre 2014 - 19:30

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Le pape François a insisté pour que les intervenants se sentent libres de leurs idées mais doctrine et pastorale ne vont pas toujours de soi

Ouverts officiellement lundi au Vatican, les travaux du Synode extraordinaire sur la famille se sont engagés tout de suite sur les thèmes qui fâchent. D’un côté, le Vatican n’entend pas se faire imposer l’agenda de ses réformes par les lobbies et l’opinion et  de l’autre, cardinaux et évêques veulent réaffirmer qu’il n’est de l’intérêt de personne que l’Eglise catholique continue à mouliner des concepts qui ne parlent plus suffisamment aux contemporains. Un officiel du Vatican a résumé ce dilemme : « ne pas soigner les mots, mais guérir la famille humaine dans toutes ses souffrances ».

Le propos est beau, sauf qu’il se heurte bien vite à une réalité qui, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Eglise, peut susciter – a déjà suscité - ses résistances. Il est d’ailleurs symptomatique que les travaux du Vatican sur la famille se tiennent alors que s’ouvrait au Portugal dimanche le premier congrès mondial des homosexuels catholiques. Et que, dans le même temps, les rues des villes françaises se remplissaient de nouveau d'opposants aux unions homosexuelles et qu’en Italie, le ministre de l’Intérieur Angelino Alfano demandait aux préfets d’annuler, « au nom de la loi », les mariages homosexuels contractés à l’étranger et enregistrés en Italie où ils restent interdits.

Médias et guides d’opinion continuent de scinder le monde entre progressistes et conservateurs lorsqu’on accepte ou réfute les unions homosexuelles. L’Eglise doit-elle, pour accompagner « la souffrance des couples » aller jusqu’à faire bouger les lignes ? Oui, répondent fortement des courants lobbystes. Non, répliquent de leur côté les tenants de l’orthodoxie catholique. Des expressions comme « vivre dans le péché » sont assez stigmatisantes, ont souligné certains ; les abandonner ne ferait pas de tort à la doctrine. « L'Eglise doit avoir le courage d'exprimer ses convictions, sans quoi elle ne rendrait pas service à la vérité », a fermement répliqué Mgr Georg Gänswein, secrétaire particulier du pape émérite Benoît XVI.

Les travaux du Vatican se sont aussi appesantis mercredi  sur la situation de la famille en Afrique et au Moyen-Orient, dans des contextes politiques et religieux difficiles pour elle. Un contexte où l’on compte le plus d’unions interreligieuses et de « mariages mixtes » entre des chrétiens de religions différentes. Comment éduquer les enfants qui naissent dans des familles de ce type ? Comment aider les époux qui le désirent à demeurer dans la religion catholique tout en respectant celle de leur époux/épouse ? Que dire aux catholiques qui, dans les pays musulmans, sont forcés de se convertir à l’islam pour pouvoir épouser une musulmane ?

 

Le théologien congolais (RdC) enseignant en Suisse Bénézet Bujo s’élève par ailleurs contre un impérialisme occidental sur la question de la famille. Or c’est son modèle qui sert aujourd’hui de référence à toute l’Eglise chrétienne. Comme si les enfants des couples polygames (pratique africaine courante), ou d’unions non sanctionnées par le passage à l’Eglise ou à la mairie étaient d’avance condamnés à l’errance spirituelle sans ancrage. « En Afrique, relève-t-il, le mariage le plus respecté est celui de la tradition. Il lie non pas deux individus mais deux familles, et cette forme d’union a une dimension religieuse en anthropologie africaine », soutient-il. « Pour respecter la vision du mariage chrétien, l’Africain doit contracter trois mariages : devant la tradition, devant la mairie et devant l’Eglise », c’est trop !

Il n’est pas sûr que la voix des Africains s’élèvent plus haut que la doctrine, ou qu’au sortir de ces trois semaines de synode au Vatican, les prélats africains viennent proclamer la validité des mariages traditionnels. Mais le débat est engagé et une certaine « rébellion » se fait voir dans les idées. Les Africains rejettent des valeurs occidentales présentées comme universelles au nom d’une vision qui n’est pourtant que la leur et qui ne correspond pas forcément à ce que dit la Bible. Le président Museveni d’Ouganda s’étonnait dernièrement que l’adoption d’une loi contre l’homosexualité et les unions de personnes de mêmes sexes exposent son pays au boycottage commercial international. Le « deal » se résume à : « vous acceptez l’homosexualité où nous vous refusons l’aspirine » ! Certains au Vatican et en Afrique dénoncent ce type de pressions qui conditionnent la vision de la famille de demain.

Lucien Mpama