Opinion

  • Réflexion

Et si l’on parlait de la gouvernance financière mondiale…

Samedi 11 Octobre 2014 - 19:12

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


La tenue ces jours ci, à Washington, de l’assemblée générale annuelle des institutions dites de « Bretton Woods » offre une bonne occasion de poser les questions qui fâchent dans les domaines ultra-sensibles de la gouvernance mondiale que sont la monnaie et de la finance.

En voici quelques-unes auxquelles, bien évidemment, nous ne prétendons pas répondre :

  1. Soixante-dix ans après leur signature, le 22 juillet 1944 à Bretton Woods, par les représentants de 44 pays, ces accords sont-ils encore adaptés aux réalités de notre temps ? Organisant peu ou prou le système monétaire international autour du dollar américain, ils ont indiscutablement joué un rôle clé dans la mondialisation telle que nous la vivons aujourd’hui. Mais ils ne reflètent pas les nouveaux rapports de force créés par l’irruption de la Chine, la réapparition de la Russie et le rôle croissant que jouent dans les échanges commerciaux l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie du Sud. D’où cette idée, que partagent apparemment bon nombre d’analystes et d’experts, selon laquelle un nouveau Bretton Woods s’imposera à brève échéance. Mais est-elle réaliste et les États-Unis, qui sont toujours la première puissance financière mondiale, sont-ils prêts à débattre publiquement d’une telle question ?
  2. Les deux grandes institutions financières issues des Accords de Bretton Woods, à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, peuvent-elle encore réguler la finance internationale ? S’il est vrai que de 1944 au début des années 2000 elles ont joué un rôle clé dans les rapports monétaires et ont sans doute permis d’éviter de grands désordres, il ne l’est pas qu’elles pourront continuer longtemps encore sur cette voie. Ce qui se passe en Europe, avec la quasi faillite de pays comme la France, et le tassement continu de la croissance économique, porte en effet en germe un changement radical des rapports de force. Et même si les grandes puissances comme la Chine conservent en dollars l’essentiel de leur trésor monétaire, le jour viendra certainement où elles changeront de comportement. Que se passera-t-il alors dans ce domaine ultra-sensible ?
  3. Les institutions de Bretton Woods sont-elles conscientes de la nécessité de faire aux pays émergents la place qui devrait leur revenir dans la gouvernance financière mondiale en raison de leur poids humain et économique ? Lorsque l’on se projette à échéance de cinquante ans et plus encore à échéance de la fin de ce siècle, l’on voit que l’Afrique fera vivre à elle seule près du tiers de l’humanité et que son économie sera la plus dynamique de la planète. Ne pas lui faire une place à la mesure de cette percée annoncée dans les institutions internationales, telles que  la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, serait de façon très manifeste commettre une erreur historique majeure. Ce serait aussi conduire l’Union Africaine à mettre sur pied un système économique et monétaire indépendant dont l’existence condamnerait vraisemblablement les institutions de Bretton Woods. Les grandes puissances en sont-elles conscientes ?

Il est peu probable que, pris par leurs préoccupations immédiates, les grands argentiers du monde se penchent sur les problèmes soulevés ici. Mais le temps viendra, plus vite qu’on ne le croit, où ils se verront contraints de le faire, ne serait-ce que pour éviter les ébranlements monétaires et financiers que risquent de provoquer les défaillances actuelles de la gouvernance mondiale.

Conclusion : les pays émergents devraient profiter de l’occasion que leur offrent les rencontres annuelles dans les institutions de Bretton Woods pour lancer dès à présent le débat.

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Réflexion : les derniers articles