Littérature : « Nouvelle Espérance », un roman d'André Bouébassihou

Dimanche 19 Octobre 2014 - 5:00

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Selon le dogme chrétien, la vie est à ce point sacrée que l’Église ne peut admettre en son sein la pratique de l’avortement. Mais que prévoit-elle concrètement pour une grossesse découlant d’un viol ? Le fidèle est-il en droit d’exercer son libre arbitre ou doit-il se conformer à cette doctrine malgré les évidentes conséquences néfastes pour la mère comme pour l’enfant à naître ? C’est l’apparent dilemme qui se pose à Ntouta, jeune orpheline que les affres de la guerre civile ont poussée à quitter son cher village – devenu tellement inhospitalier qu’un exode a fini par le dépeupler – et à trouver refuge chez son oncle à Brazzaville

La jeune fille fait alors son apprentissage de la vie citadine auprès de sa tante qui devient, après la mort précoce de ses parents puis celle de sa grand-mère, sa nouvelle éducatrice, celle qui l’initie à la vie moderne avec les subtilités d’un savoir-vivre et un paraître calqués sur le modèle occidental. L’adolescente devient, ainsi, la fée du logis, celle qui tient la maison en bonne ménagère et en fin cordon bleu. Elle accompagne également ses deux petits cousins à l’école. L’apprentissage auprès de « maman Lisette » est si prometteur que les deux époux se prennent à l’imaginer en future épouse modèle, et pour son grand bonheur. Ntouta, elle-même, ne se perçoit pas autrement, qui rêve de vivre à l’image de ses protecteurs.

Pourtant, ce rêve, comme toute la vie déglinguée de Brazzaville aux premières heures de la période « postconflit », ne va pas sans anicroche, avec ses pénuries chroniques en eau et en électricité, sa débrouillardise obligée face aux fins de mois difficiles, avec sa petite délinquance liée surtout à l’immigration clandestine venue d’outre-rive, mais aussi toute la cohorte des problèmes d’hygiène. Et le rêve pourrait se transformer en cauchemar, pour peu que l’ami « zaïrois », inspiré par le démon de la perversité, se mette en tête de souiller la pureté virginale de l’adolescente…

La subtilité du discours narratif consiste dans cette attitude volontairement non moralisatrice et qui pose simplement les problèmes de conscience face à des réalités difficultueuses. L’on se trouve raisonnablement dans l’indécidable lié au dilemme de la conscience éthique. Partagée entre la paisible et bucolique vie rustique et les dangereux pièges de la modernité urbaine, Ntouta est déboussolée, perdue…

Malgré ses dehors prétendument réalistes, ce roman pose, sans moraliser, les problèmes liés à cette marche forcée, presque forcenée, vers une urbanisation sauvage, non maîtrisée, avec son cortège de victimes collatérales.

Nouvelle Espérance, roman d'André Bouébassihou, Paris, L’Harmattan, 2014, 185 p.

R. S. Tchimanga