Interview. Tony Bolamba : « J’irai en 2016 à la rencontre des Congolais pour solliciter leurs suffrages »

Lundi 24 Novembre 2014 - 19:30

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Le président du Mouvement pour le Congo (Moco) analyse froidement les grands enjeux sociopolitiques de l’heure dans un entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, en mettant une emphase particulière sur son avenir politique immédiat et celui de son association. 

Les Dépêches de Brazzaville : Human Rights Watch venait récemment de publier un rapport dans lequel il fait état des bavures policières ayant émaillé l’opération anti banditisme « Likofi ». Comment jugez-vous la réaction du gouvernement réfutant toutes les allégations contenues dans ledit document ?

Tony Bolamba : Je ne pense pas qu’il eut été opportun de la part de l‘Exécutif national de réagir avec véhémence tel que cela avait été fait. Je ne dis pas que tout ce qui a été rapporté par cette ONG est avéré. Je ne dis pas non plus que tout ce qu’elle a mis sur la place publique à propos des tueries ayant caractérisé l’opération "Likofi" soit non fondé. S’il y a eu certaines allégations de la part de cette ONG, peut-être qu’elle dispose des informations qui nous échappent. Il n’appartient pas, à mon sens, au gouvernement de réagir à ces genres de rapports. Il faudrait plutôt chercher à engager des échanges avec ces ONG en apportant la contradiction là où il faut de sorte à éclairer leur lanterne sur des détails censés être intégrés dans leurs analyses.

L.D.B : Qu’attendez-vous du prochain somment de la Francophonie prévu au Sénégal ?  

T.B : Nous attendons beaucoup de ce sommet pour autant que c’est un des nôtres en la personne de l’ambassadeur Henri Lopes, né dans la ville cosmopolite de Kinshasa, qui est pressenti pour prendre les rennes de cette institution. Avec lui, j’espère que le français aura une vision beaucoup plus large que ce qu’il est pour aujourd'hui. Le français ne se limite pas seulement à l’aspect linguistique, il devient aujourd’hui un instrument de défense des droits de l’Homme, assure la prévention  des conflits, la paix, etc. Je pense qu’Henri Lopes en tant que personnage multiculturel est bien placé pour appréhender des problèmes typiquement africains et ceux du monde.

L.D.B : Que vous inspire le bilan d’Abdou Diouf, secrétaire général sortant de l’OIF ?

T.B : Il a géré son mandat tant bien que mal, dans un contexte mondial très difficile. Cela ne l’a pas empêché de contribuer, nonobstant les difficultés rencontrées dans son parcours, à la stabilisation des Etats africains. Cependant, beaucoup reste encore à faire pour réaliser les objectifs que s’est assigné l’organisation.   

L.D.B : La motion de défiance initiée récemment par le groupe parlementaire de l’opposition sur le ministre des Finances Patrice Kitebi s’est terminée en eau de boudin. Que pensez-vous de l‘attitude de la majorité tendant à bloquer toute initiative de l’opposition à l’hémicycle ?   

T.B : C’est une question de conscience des uns et des autres. Chacun de nous doit faire appel à sa conscience et à son éthique. Un député reçoit son mandat de la population pour la représenter, et son vote doit d'aller dans le sens de la préservation des intérêts de ceux qui l’ont porté au perchoir de l’institution législative, indépendamment de sa coloration politique. En France par exemple, les membres du Parti socialiste ne votent pas toujours nécessairement en faveur des projets initiés par le premier ministre Manuel Valls.

L.D.B : L’opposition continue de réclamer la tenue d’un dialogue inclusif selon l’esprit de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Qu’en dites-vous ?

T.B : Le dialogue, de mon point de vue, n’est pas important. Nous devons nous focaliser plutôt sur les prochaines élections. Il faut avancer et non reculer ou faire du sur place. Nous devons savoir que chaque fois qu’il y a eu des initiatives visant à permettre aux Congolais de dialoguer, ils l’ont toujours fait à cœur joie. Pourquoi réclamer de nouvelles rencontres entre Congolais dès lors que les concertations nationales ont bénéficié de la caution morale de la présidente de la Commission de l’Union africaine Nkosazana Dlamini-Zuma et du président Denis Sassou Nguesso  doué dans les médiations des conflits à travers l’Afrique. Les Congolais peuvent toujours se concerter sans cet Accord-cadre.

L.D.B : Quel est votre commentaire par rapport au verdict ayant sanctionné le procès Mamadou Ndala ?

T.B : Si le procès a connu un cycle normal dans son déroulement, partant de l’instruction de l’affaire à la confrontation des parties à la lumière des éléments à charge et à décharge, je ne vois pourquoi je m’opposerai à une décision de justice qui se conformerait à la procédure. Le  grand problème consiste à sanctionner tous ceux qui s’amusent à fomenter des rébellions. Car, à l’absence de toute sanction, n’importe qui peut initier une rébellion sachant qu’en fin de compte, il négociera un poste ministériel après avoir été amnistié. Ce rituel est connu et il faudrait qu’on y mette fin en sanctionnant les fauteurs de troubles. Il faut qu’il y ait des réponses sévères à ces types d’initiatives qui troublent la quiétude des Congolais. Celui qui veut avoir le pouvoir, il n’a qu’à solliciter l’électorat du peuple et non par les armes.

L.D.B : Pensez-vous que les élections locales auront lieu en 2015 comme promis lorsqu’on s’en tient aux difficultés de trésorerie que connait actuellement la Céni ?  

T.B : Je suis quelque peu dubitatif. J’aime laisser le bénéfice du doute. Je serai déçu si l’on arrive aux échéances arrêtées, et que rien n’est fait. Quant à nous au niveau du Moco, nous continuons à préparer nos candidats à tous les niveaux des scrutins.

L.D.B : L’organisation du recensement, n’est-pas aussi une façon sournoise de contourner le schéma de la modification de la Constitution ?  

T.B : Le recensement, avec l’intrusion de Nouvelles technologies de l’information et de la communication, ne pose pas assez de problèmes dans son organisation. Avec la bonne volonté de tous les partenaires impliqués, le recensement peut se réaliser en un temps record.

L.D.B : Quelle lecture faites-vous des événements du Burkina Faso ayant conduit à la démission du président  Blaise Campaoré ?

T.B : C’est une régression, ou mieux, une défaite pour la démocratie en Afrique. Les burkinabès n’ont pas eu ce qu’ils voulaient après l’éviction de Blaise Campaoré. Aujourd’hui, le pays n’a plus de Constitution et est géré par une Charte de transition négociée par un groupe de personnes qui, sans mandat, tiennent les rennes du pouvoir. Si le scenario burkinabè venait à s’appliquer chez nous, franchement, ce sera une régression de la démocratie sur le continent.

L.D.B : Comment se porte votre association ?

T.B : Nous sommes en train d’étoffer nos listes. Nous sommes prêts. On attend plus que le calendrier. Nous présenterons nos candidats à tous les niveaux des scrutins et le moment venu, nous harmoniserons les listes avec nos alliés. Nous nous battons pour avoir un espace afin de servir les Congolais si jamais ils nous faisaient confiance. Personnellement, j’irai en 2016 à la rencontre des Congolais. Je solliciterai leur vote et je suis sûr qu’ils seront d’accord avec moi. D’autant plus que je dispose d’un atout important pour réussir, à savoir, la sincérité. Je vis la même misère que les Congolais en général et les Kinois en particulier.

Propos recueillis par Alain Diasso          

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Tony Bolamba