UDPS : le temps des interrogations

Jeudi 9 Avril 2015 - 17:30

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La bataille de la succession n’est pas officiellement déclarée au sein de la principale force politique de l’opposition, mais ses prémices sont déjà perceptibles.

Aujourd’hui plus qu’hier, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) affiche des signes certains de déliquescence comme en témoigne la guerre des clans qui s’y est installée. L’absence prolongée de son leader Étienne Tshisekedi évacué d’urgence en août 2014 à Bruxelles où il avait suivi des soins médicaux est venu péricliter ce parti d’opposition au fond de l’abime en brisant son unité sur fond de luttes de positionnement. Une absence qui avait, pour ainsi dire, donné des ailes aux membres de sa famille biologique pour faire intrusion dans la gestion quotidienne de cette formation politique, en régentant tout ce qui s’y fait. On se souvient de la déclaration qu’avaient signée alors dix-neuf cadres et membres des fédérations dénonçant « l’usurpation » par Félix Tshisekedi, fils du vieil opposant et secrétaire aux Relations extérieures de l’UDPS « des prérogatives d’autres départements » au mépris des textes réglementaires le régissant.

Brillant par des « suspensions et révocations arbitraires » de membres du parti, Félix Tshisekedi aura, sous l’emprise de sa génitrice, exacerbé la fronde et accentué les divisions au point d’asphyxier le parti, pensent ses détracteurs. De sorte que le retour d’Étienne Tshisekedi n’a, hélas, pu contribuer à rétablir l’équilibre et l’harmonie ainsi rompus, tant le mal était si profond. Dans une sorte d’énergie du désespoir, le « lider maximo » tente désormais, tant bien que mal, de colmater les brèches au sein d’un parti qui aura vu nombre de ses cadres prendre leur distance à grand renfort des critiques acerbes à l’instar de son ancien directeur de cabinet Albert Moleka. Mais également Claude Kiringa (représentant du parti au Canada) accusé d’avoir fait fuiter un rapport interne qui préconisait l’organisation d’un congrès anticipé au sein du parti pour préparer la succession, et tant d'autres.

Colmater les brèches

C’est, désespérément, que l’UDPS tente aujourd’hui de se refaire une santé politique. Mais le parti demeure encore prisonnier de ses propres contradictions et de ses incohérences qui l’empêchent de régénérer sur des bases plus crédibles. Alors qu’il continue à se déclarer « président élu » au terme de la présidentielle de 2011 et que son parti dénie toute légitimité à Joseph Kabila et aux institutions qu’il considère comme issus d’une fraude électorale, Étienne Tshisekedi venait récemment de surprendre en appelant au dialogue avec le même Joseph Kabila. Hasard malheureux du calendrier, cet appel a été fait alors que la rue était en train de faire plier le pouvoir sur une révision de la loi électorale qui allait permettre indubitablement à Joseph Kabila de s’octroyer un mandat supplémentaire.

Au-delà de ce qui peut apparaître comme des signes prémonitoires d’une fin de règne, les responsables de l’UDPS ont intérêt à redorer le blason terni de ce parti pour honorer la mémoire de tous ses combattants fauchés ou arrêtés lors des grands rassemblements du parti depuis l’accès du pays au processus de démocratisation en 1990 . Tant des « Tshisekedistes » ont, en effet, vu leurs vies et leurs familles brisées du fait de leur engagement appuyé à la cause du parti à l’image du jeune Kanda Humberto C, un des animateurs de la base de Ndjili. Arrêté en novembre 2011 dans la foulée du retour d’Étienne Tshisekedi après sa tournée au Bas-Congo et suspecté, trois ans plus tard, de collusion avec un proche de « l'Église du Seigneur Jésus-Christ » du pasteur Mukungubila, présumé commanditaire des évènements du 30 décembre 2013, l’intéressé représente, pour ainsi dire, le prototype du militant de l’UDPS dévoué à qui le parti n’a jamais rendu l’ascenseur en terme de reconnaissance à la hauteur de leur engagement. D’où cette question : le combat mené tambours battants par la jeunesse du parti pour le triomphe de la liberté devrait-il être sacrifié sur l’autel de la dérive totalitaire qui, progressivement, tend à s’installer au sein du parti ? La question taraude bien des esprits en ce moment où le parti fait face à son destin.    
Nonobstant les explications fournies pour argumenter sur le bien-fondé de l’appel au  dialogue par l’UDPS, entre autres, le besoin de travailler dans un cadre serein et républicain à la préparation des élections transparentes et fiables, d’aucuns pensent que la fille aînée de l’opposition congolaise est visiblement en perte d’imagination.    

La gravité de la crise actuelle, pourrait-on dire, dépasse les précédentes en profondeur car elle affecte de manière charnelle le socle même du parti, en l’occurrence la famille biologique de son président. Il est temps que le parti recadre son discours en fonction des enjeux actuels en évitant toute compromission de nature à hypothéquer son combat pour la liberté. Le vrai dialogue, c’est en interne qu’il devra véritablement commencer…

 

Alain Diasso