Devoir de mémoire : Quand Bordeaux assume son histoire…

Mercredi 22 Avril 2015 - 11:30

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L'histoire de la ville de Bordeaux est liée de manière intime à l'histoire de l'esclavage. C'est la raison pour laquelle le maire de la ville, Alain Juppé (candidat déclaré à la primaire à droite en vue de l'élection présidentielle de 2017), a engagé depuis un certain nombre d'années ce qu'il appelle une "politique de la juste mémoire" en reprenant une expression du philosophe Paul Ricoeur. Son but ? aider à comprendre l'horreur de l'esclavage en refusant toute amnésie, sans pour autant sacrifier à tout "anachronisme culpabilisateur".

Depuis plusieurs années, une "marche de la mémoire" a lieu chaque mois de juin dans la ville, avec lancer de gerbe dans la Garonne. Voici ce qu'explique l'organisateur de cette marche, Karfa Diallo : "Ce qu'on a tué, c'est la part de mystère et de sacré qui vous relie à vos pères. Il y a eu des millions de gens perdus à tout jamais".

Éric Saugera, historien, auteur de "Bordeaux port négrier", explique dans cet ouvrage que "sur une durée d’environ un siècle et demi (du dernier tiers du XVIIe siècle au premier tiers du XIXe siècle), des dizaines de milliers de marins, armateurs, investisseurs, marchands, artisans, fabricants, ont participé à la préparation d’environ 500 expéditions négrières bordelaises qui ont […] enlevé à l’Afrique entre 130 000 et 150 000 de ses habitants".

Ce passé, Alain Juppé l'a évoqué avec une émotion palpable dans un discours prononcé lors de l'inauguration de salles dédiées à l’histoire de l’esclavage au Musée d’Aquitaine : "Montesquieu déjà proclamait sans ambiguïté : "Comme les hommes naissent égaux, il faut dire que l'esclavage est contre nature. C'est ce message et cette vérité que nous avons le devoir de perpétuer. Message nécessaire pour notre propre édification et celle de nos enfants. Pas d'avenir sans mémoire, dit en substance Aimé Césaire. Nous devons savoir d'où nous venons, ce que fut notre histoire, y compris notre "âge d'or" pour mieux choisir où nous allons. Perdre mémoire serait une faute."

Dans ce même discouirs, e maire de Bordeaux soulignait également que la reconnaissance de cet histoire a été un long cheminement : "Pourquoi le cacher : évoquer, à Bordeaux, il y a 15 ans, la traite négrière et l'esclavage n'allait pas de soi. Certes des associations militaient avec persistance pour que notre ville regarde en face son passé de port négrier. Mais la société dans son ensemble demeurait indifférente, voire réticente. Pour faire évoluer les esprits, il a fallu du temps, de la pédagogie, du dialogue. Je remercie tous ceux qui ont œuvré en ce sens."

Soulignons que ce travail de mémoire est intimement lié avec les échanges qu'entretien Bordeaux avec le continent africain. Ces échanges ont trouvé un événement pour mieux se développer : la journée des diasporas africaines.

La prochaine édition aura lieu le 25 Avril prochain. Comme l'explique l'adjoint au maire Pierre de Gaétan Njikam Mouliom, très impliqué dans ce projet, "nous voulons partir de l’Afrique telle qu’elle existe aujourd’hui sur le continent et dans sa diaspora, faite de métissage, d’immersion, et de diversité, avec un dénominateur commun l’Afrique, la conscience africaine et notre enracinement aussi en France…". Une manière de réaffirmer, si besoin était, les liens qui unissent Bordeaux à l'Afrique. Une manière aussi de panser des plais qui, si elle ne guériront pas complètement, nous invitent à regarder avec humilité notre avenir commun.

Florence Gabay