Archéologie : l’Aspec veut redonner son rayonnement scientifique au Congo

Jeudi 7 Novembre 2013 - 12:58

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Quatre-vingt-cinq ans après la fondation de l’Institut d’études centrafricaines, l’Association pour les sites préhistoriques et le patrimoine écologique du Congo (Aspec) reprend le flambeau des recherches archéologiques. Frédéric Okassa Leboa, président de l’Aspec, docteur en anthropologie et préhistoire, et chef de projet de recherches en archéosciences et de protection de la biodiversité au Congo, nous rappelle une histoire dont il veut reprendre le fil

C’est sous la direction du préhistorien Georges Bergeaud qu’a été fondé, en 1928, l’Institut d’études centrafricaines de Brazzaville, capitale de l’Afrique-Équatoriale française (AEF). Il était à cette époque à la tête d’une équipe de huit spécialistes en archéosciences, comme Gabriel Droux, Harper Kelley, Pierre Leroy…, complétée de nombreux collaborateurs venant de France.

Leurs travaux de fouilles aboutissent au développement d’un écotourisme avant l’heure. En voiture et par le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), les touristes viennent en famille de toute l’AEF pour visiter les sites archéologiques de Comba, Boko-Songho, Loudima, Madingou, Bouansa (Le Briz)…

Par un étrange paradoxe de l’histoire, après son indépendance, la République du Congo ne s’intéresse pas à ce riche héritage. Les nombreux spécialistes en place depuis plus de trente ans sont remplacés par un unique chargé de mission, affecté au Congo en 1962 par l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer. En 1972, un coopérant en histoire est intégré à l’université Marine-Ngouabi qui se créait, pour enseigner la préhistoire. Depuis le départ du dernier coopérant, le Congo n’a jamais pensé et mis en œuvre sa propre politique d’archéosciences, explique le docteur Frédéric Okassa Leboa.

Le second volet de ce paradoxe de l’histoire est que tous les autres États de l’Afrique centrale, dans une forme de réparation de leurs frustrations, créent, après leur indépendance, des instituts de recherches sur leur passé, pour développer des structures identiques à celles, très en vue, qu’avait connues le Congo entre 1928 et 1960. Ainsi, le Tchad, le Gabon, le Cameroun, la Centrafrique, voire la République démocratique du Congo disposent de structures de recherches et de formation pluridisciplinaire, dont les travaux ont permis de classer au Patrimoine mondial de l’Unesco plusieurs biens culturels et d’en inscrire d’autres sur la liste indicative du patrimoine de l’humanité.

Désireux de relancer les fouilles interrompues en 1982, Frédéric Okassa Leboa approche, en 2008, une vingtaine de chercheurs en Europe et Afrique. C’est ainsi que la société Total E&P le reçoit à Paris le 8 février 2008 avec deux autres collègues universitaires et l’aide à commencer un travail de recherches sur le terrain, en 2011.

Aujourd’hui, Frédéric Okassa Leboa veut attirer l’attention des pouvoirs publics et des acteurs de la vie culturelle et économique pour ne plus reproduire les erreurs du passé. Dans cette première phase des travaux, il se fait aider par le Collège de France, le Muséum national d’histoire naturelle, l’université Paris I, mais également par les ministères congolais de l’Enseignement supérieur, du Tourisme ainsi que par l’université Marien-Ngouabi. Dans la base de recherches archéologiques installée près des grottes préhistoriques du Val de Louolo (une rivière à la frontière de Kindamba et de Mindouli), les étudiants sont initiés aux techniques de fouilles et aux géosciences. Le docteur Frédéric Okassa Leboa espère maintenant élargir ce partenariat à d’autres ministères, administrations ou institutions.

Un musée d’agro-écologie à Oyo

Depuis 2011, l’Aspec a également amorcé des fouilles archéologiques sur les buttes d’Oyo et de ses environs. Son objectif est de redonner au Congo la place et le rang qu’il a occupés en préhistoire africaine dès la construction du CFCO (1921-1934), lorsqu’une surveillance maîtrisée des travaux de terrassement avait permis le recensement de plus d’un millier de sites sur les 510 km du tracé de la voie ferroviaire.

Pour servir cette ambition, il propose la création d’un Centre national de recherches et de formation en archéosciences. Le Congo recèle plusieurs gisements préhistoriques, parmi les meilleurs sites du continent africain pour la conservation des vestiges, qui doivent être valorisés. « Nous avons à cœur que les recherches en archéosciences servent le développement de l’écotourisme de manière rigoureuse. C’est pour cela que nous proposons la construction d’un musée d’agro-écologie à Oyo, sur les sites d'agro-pastoralisme des cultures bantoues, en pays Mbosi de la moyenne et basse vallée de l’Alima », précise-t-il.

La ville d’Oyo, qui est une plate-forme multimodale de communication en plein essor, se doterait ainsi d’un muséum, d’un jardin paléobotanique, d’une ferme archéo-zoologique expérimentale des espèces végétales et animales domestiquées par l’homme depuis la révolution néolithique, il y a neuf mille ans, qui marque le début des économies de production.

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Un chantier de fouilles à la Pointe hollandaise, près du port fluvial de Brazzaville. Photo 2 : La base de recherches archéologiques de la vallée préhistorique de la Louolo à Mpoka Kindamba, région du Pool. (© DR)