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Convertibilité responsable du Franc CFA

Samedi 30 Juillet 2016 - 14:23

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L’émancipation économique et financière des pays africains, utilisant le Franc CFA, pose le problème de l’exercice de leur souveraineté monétaire pour une meilleure intégration dans la mondialisation. En cause:

I- La convertibilité de leur monnaie: La monnaie est l’expression de la puissance économique d’un pays. C’est l’instrument intermédiaire de ses échanges, de réserve de valeur et de calcul économique. Sa convertibilité est responsable, lorsque cette monnaie est échangeable librement sur le marché monétaire, contre une autre monnaie convertible, et qu’une réserve suffisante de devises étrangères
 convertibles permet au pays émetteur de répondre à la demande de change d’aujourd’hui sans compromettre celle de demain.

Pour cela: 1) la  monnaie doit circuler librement à travers les frontières du pays émetteur; 2) il doit exister un large choix de marchandises non affectées à des acheteurs préalablement désignés; 3) un taux de change fixe ou flottant, égalisant à moyen terme, les échanges extérieurs du pays émetteur, doit être déterminé ;
 et 4) qu’il existe un système de prix représentant les raretés relatives des facteurs productifs par rapport à la demande nationale et internationale.

Or, crée le 26 décembre 1945 par la France, le «Franc des Colonies Françaises d'Afrique» ne circule qu’en Afrique Centrale, où le CFA signifie la Coopération Financière en Afrique (XAF) dans la zone CEMAC (1994), issue de l'Union Douanière Equatoriale (1959); et en Afrique de l’Ouest, où le CFA désigne la Communauté Financière d’Afrique (XOF) pour la zone UEMOA (1994), née de l'Union Monétaire Ouest-Africaine (1962). Les accords de coopération monétaire de 1999 entre la France et les Etats africains forment un système unifié de change fixe avec l’Union Européenne. Ce régime qui repose sur la liberté des transferts dans chaque union monétaire interdit la liberté de créer la monnaie par chaque membre et limite la convertibilité du Franc CFA au marché de change de Paris, avec l'Euro comme seul étalon.

La parité fixe de 655,957 FCFA pour 1 Euro est garantie par un compte d’opérations ouvert auprès du Trésor public français par la BCEAO pour l’UEMOA et par la BEAC pour la CEMAC, qui doivent y déposer 50% de leurs réserves de change pour garantir le règlement de leurs transactions internationales. Il est rémunéré au taux de 0,30% de la facilité marginale de la Banque Centrale Européenne. Un compte spécial de nivellement qui ne peut être déficitaire est rémunéré à 0,05% et assure l’équilibre du système.

II- Les contre-performances chroniques: Sur les 12 mois de réserves de change requis pour couvrir ses importations, l’UEMOA n’atteint que 6,6 mois en 2010 contre 4,6 mois en 2014. Pour la CEMAC,  les réserves ne couvrent que 5,1 mois en 2011 et 5,5 mois en 2015 sur les 13 mois nécessaires. Le ratio du crédit à l'économie sur le PIB qui ne doit pas dépasser 23%, pour assurer la solvabilité à court terme de chaque membre, atteint plus de 40% dans la majorité des pays. Cette forte exposition aux difficultés de trésorerie est liée aux pertes de change que les avances des dépenses publiques accordées par le Trésor public français, jusqu’à 20% des recettes budgétaires de chaque pays, ne peuvent couvrir sans recourir à l’emprunt.

Certes, le principe de solidarité entre les membres permet de compenser, les déficits de change de certains par les excédents des autres. Mais, le risque systémique lié à la non-couverture des importations libellées en Euro par les exportations libellées en Franc CFA, déséquilibre la balance commerciale des membres. Si l'Euro est plus forte que le dollar américain, leurs économies souffrent de la surévaluation du Franc CFA. Le cas contraire qui se produit rarement leur est profitable.

III- Vers un régime de change à flexibilité limitée: Arrimé à un panier de devises des cinq principaux pays étrangers avec lesquels, les zones CFA commercent le plus, ce régime permet d’établir un taux de change avantageux, compris entre le taux flottant issu de la cotation journalière de ce panier et le taux fixe garanti par la zone Euro. Il nécessite la fusion des Francs CFA en une Monnaie Africaine «L’Afro», des unions monétaires régionales en une Union Monétaire Africaine, des banques centrales régionales en une Banque Centrale Africaine et des bourses régionales en une Bourse Centrale Africaine.

Ainsi, la création d’une monnaie unique africaine, permet d’envisager une perspective de saine gouvernance financière des économies qui l’emploient, dans un régime de change, promouvant la souveraineté monétaire des Etats. La convertibilité responsable de cette monnaie favorise leur meilleure intégration dans la mondialisation.

Par: Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de

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