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Les leçons de la bataille d'Alep

Samedi 10 Décembre 2016 - 16:15

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L’interminable et sanglante bataille qui s'achève dans la cité qui fut longtemps la capitale économique de la Syrie confirme, s'il en était besoin, que les lignes ont bougé durablement sur le front stratégique mondial et qu'un nouveau rapport de forces s'établit peu à peu entre les grandes puissances dont le pire comme le meilleur pourrait sortir.

Résumées en quelques mots les leçons de cette tragédie sont les suivantes.

- Seule la force, dans ce qu'elle a de plus brutal, de plus primaire, peut venir à bout des désordres de toute nature que génère le fanatisme. Croire que l'on peut négocier avec ceux qui prêchent de tels errements est une erreur tragique que les populations finissent toujours par payer au prix fort.

- Mis bien trop vite au ban des nations qui, jusqu'à présent, tenaient le haut du pavé sur la scène mondiale le régime de Damas a prouvé qu'il était capable de relever le défi lancé par Daech. Certes il y est parvenu avec l'aide de la Russie, mais la démonstration est claire, indiscutable et change la donne.

- La Russie, précisément, a pesé les enjeux de la guerre se déroulant en Syrie de façon indiscutablement plus réaliste, plus froide et donc plus efficace que les puissances occidentales, Lesquelles, d'ailleurs, sont de façon indirecte à l'origine de la guerre en Syrie du fait de leur comportement passé dans la région

- Les Etats-Unis et plus encore l’Europe ont démontré leur impuissance face à la montée des extrémismes qui menace cette partie du monde. Leurs gesticulations au Conseil de sécurité des Nations unies durant la dernière phase de la bataille d'Alep ont été perçues sous toutes les latitudes comme une pantalonnade.

- En plaçant la Russie et dans une moindre mesure l'Iran au cœur de l'équation syrienne la bataille d'Alep a définitivement sonné le glas des accords Sykes-Picot qui avaient divisé le Levant en deux zones d'influence, l'une britannique et l'autre française. Elle a donc réécrit l'Histoire.

- Les erreurs commises par l'Europe et les Etats-Unis dans cette partie du monde ces dernières années nourrissent aujourd'hui de salutaires réflexions dans les lieux où s'élabore leur stratégie. Il n'est pas impossible que ces réflexions débouchent sur la remise à plat des postures diplomatiques qui s'impose.

-  La Russie de Vladimir Poutine qui a retrouvé son statut de grande puissance à la faveur de la guerre en Syrie, va maintenant tout mettre en œuvre pour tirer profit de la victoire remportée à Alep. Elle négociera en position de force avec les Etats-Unis sur les questions qui se posent dans cette région.

Pour toutes ces raisons et probablement bien d’autres encore qui se dévoileront dans les prochains mois, la bataille d’Alep sera perçue demain comme un tournant majeur dans les rapports de force institués au sortir de la deuxième guerre mondiale. Elle ne permettra peut-être pas à Bachar al-Assad de mettre fin très vite à la guerre civile qui ravage son pays, mais elle dément tous les pronostics concernant son éviction qui avaient conduit à en faire la bête noire de la diplomatie occidentale et, de ce fait, elle lui donne une chance très réelle de se maintenir au pouvoir.

Plus important encore sans doute, la bataille d’Alep a démontré, ou plutôt confirmé que Vladimir Poutine et par conséquent la Russie ne laisseront plus les Occidentaux agir comme bon leur semble au risque de provoquer des drames en cascade comme ils l’ont fait ces dernières années en Irak ou en Libye et comme elles auraient pu le faire en Syrie.

La roue tourne. Indiscutablement.

 

Jean- Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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