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A propos du grand retour de la Russie

Samedi 21 Janvier 2017 - 12:08

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Il est de bon ton, dans les milieux dirigeants européens, de dire ou de laisser entendre que la Russie de 2017, débarrassée du communisme qui lui fit tant de mal au sortir de la première guerre mondiale, a repris les postures pour le moins agressives de l’ex-Union soviétique à l’époque de la « Guerre froide » dans le but d’asseoir à nouveau sa suprématie sur tout ou partie du Vieux continent. Un jugement qui conduit ces mêmes milieux à afficher une défiance, voire même une hostilité à l’égard du président Vladimir Poutine qui pourrait dans le proche avenir générer, si l’on n’y prend garde, de fortes tensions dans cette partie du monde.

La réalité, disons-le sans l’ombre d’un doute, est très différente sur le terrain de celle décrite à longueur de colonnes et d’émissions par les grands médias occidentaux ; ce qui explique pourquoi le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, ne perd jamais une occasion d’afficher sa volonté de travailler la main dans la main avec son homologue russe.

Résumée de façon schématique cette réalité est la suivante.

  1. La Russie n’entend pas payer les erreurs dramatiques commises ces vingt dernières années par le camp occidental en divers points du monde. Elle considère, à juste titre il faut bien le reconnaître, que les interventions aussi dangereuses que mal préparées des Etats-Unis et de leurs alliés européens en Afghanistan, en Irak, en Libye sont à l’origine du chaos qui s’est installé ces dernières années au Levant et dans le nord de l’Afrique. D’où l’action qu’elle a menée en Syrie sans se préoccuper le moins du monde de ce que pensent les Américains ou les Européens et qui démontre qu’elle a une vision aussi froide que juste des défis du temps présent. Il n’est donc plus question pour elle de laisser les Occidentaux agir à leur guise dans le tiers-monde comme au temps de la colonisation, puis de la Guerre froide.

 

  2. Même si les dirigeants russes ne le disent pas ouvertement, la crise dans laquelle s’enfonce l’Union européenne avec le Brexit anglais, l’affaiblissement continu de la France, les troubles sans fin qui rongent la Grèce et dans une moindre mesure l’Italie ou l’Espagne fait resurgir la crainte d’une domination du Vieux continent par l’Allemagne. Or ni le désastre provoqué en Russie par la première guerre mondiale, ni les terribles blessures ouvertes sur son sol par les Nazis durant la deuxième guerre mondiale ne sont pas vraiment oubliés. D’où la conviction stratégique qui a inspiré la guerre larvée en Ukraine orientale et la ré-annexion de la Crimée selon laquelle la meilleure façon pour le peuple russe de se protéger est l’élévation d’une barrière géopolitique entre lui et l’Europe occidentale.

 

  3. L’Europe se délitant inexorablement quatre puissances et quatre puissances seulement sont, aux yeux des dirigeants russes, capables de peser de façon significative sur l’évolution du monde : la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et la Russie. Ce sont les rapports de force, les liens stratégiques, les relations  d’amitié ou de rivalité que noueront ces puissances qui décideront à leurs yeux du sort de l’humanité dans les décennies à venir. D’où la nécessité pour la Russie de renforcer maintenant ses positions partout où elle le peut en faisant ce qu’a fait la Chine, au cours des deux dernières décennies, c’est-à-dire en prenant de façon pacifique la place des anciennes puissances coloniales en Afrique et en Amérique latine. Même si cela ne se voit pas encore de façon claire, l’on verra donc s’affirmer la présence russe dans le monde émergent tout au long de la prochaine décennie.

Dans un pareil contexte, il est à prévoir que les dirigeants de ce même monde émergent entreprendront rapidement de resserrer avec la Russie les liens que l’effondrement du bloc soviétique a dissout il y a près de trente ans. L’Histoire n’est-elle pas un éternel recommencement ?

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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