Soudan du Sud : une jeune nation en passe de rompre

Jeudi 26 Décembre 2013 - 18:15

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Les Sud-Soudanais sont des gens aguerris au combat. Quarante années passées les armes à main à contester la tutelle du Nord et à réclamer l’indépendance y sont sans doute pour quelque chose. De ce point de vue, il semble passé dans les mœurs des hommes en armes de ce pays de voir des civils voués à l’errance et mourir de faim du fait des violences. Mais que va-t-il rester du jeune État du Soudan du Sud si les rivalités ethniques et les conflits armés qu’elles entraînent s’éternisent ?

Le 9 juillet 2011, le dernier-né des États du monde proclamait son indépendance à Juba, sa capitale, sans John Garang. Meneur de la lutte pour l’indépendance de son pays depuis la première guerre civile soudanaise qui dura dix-sept ans, entre 1955 et 1972, puis de la seconde, de 22 ans, entre 1983 et 2005, Garang est mort le 30 juillet 2005 dans un accident d’hélicoptère. En tant que leader historique, Il avait néanmoins accompli l’essentiel du chemin avant de s’en aller. Sans doute ne pensait-il pas qu’une fois l’indépendance acquise, la priorité serait d’allonger la liste des deux millions de morts et des quatre millions de déplacés des années de sueur et de sang. Ses successeurs en ont malheureusement pris la lourde responsabilité.

En un peu plus d’une semaine de combats entre l’armée et les insurgés dans ce conflit qui s’individualise entre le président Salva Kiir Mayardit et son ex-vice président Riek Machar, les sources onusiennes parlent sans plus de détails de « milliers » de morts. À quoi s’ajoutent de nombreux déplacés aux conditions de vie déjà précaires qui vont bonder les centres d’accueils des Nations unies dans le pays. Pour tout résumer, l’abondante manne pétrolière dont est doté le Sud-Soudan, qui lui attire sympathies et convoitises, risque de ne profiter qu’aux marchands d’armes. Les discours guerriers entendus dans les deux camps sont de nature à conforter ces certitudes, d’autant que l’on apprend la concentration des forces rivales dans les zones du pays où l’or noir coule à flots. « Salva Kiir doit partir », prône Machar. « Il n’en est pas question », rétorque le chef de l’État.

Au demeurant, il est temps que les facilitateurs prennent les choses en main pour réunir au plus vite un dialogue entre les deux parties et trouvent une issue à la lutte pour le partage du pouvoir qui est certainement le fond du problème avant d’être une affaire d’ethnie telle qu’on la présente. Dans le cas contraire, les plus démunis des onze millions de Sud-Soudanais seront toujours condamnés à squatter les tentes des ONG humanitaires quémandant d’hypothétiques bols de riz qui leur sont servis sous les caméras des chaînes de télévision accompagnés de commentaires misérabilistes. Ce n’est certainement pas le choix fait lors du référendum qui permit aux Sud-Soudanais de se prononcer en 2005, à plus de 98% pour l’indépendance de leur pays.

Ce que les dirigeants, aujourd’hui en guerre, perdent de vue en se tirant dessus, c’est que leur jeune nation n’a pas fini de régler ses litiges frontaliers avec ses voisins, en particulier le Soudan et le Kenya. Avec le premier pays dont il s’est séparé dans la douleur, le statut de plusieurs États fédérés et des régions comme Abiyé est toujours en discussion. Le Kenya ne lui a pas encore cédé le triangle d’Ilemi qu’il revendique. De là à ce que toutes les énergies soient dédiées à la guerre civile et mettent à mal l’indépendance chèrement acquise, Salva Kiir et son frère ennemi Riek Machar doivent opérer le choix du salut pour eux mêmes et surtout pour leurs compatriotes épuisés par le menu qu’ils leur servent. Ici le statut de guerrier éternel ne fait pas le poids.

Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

Photo 1. civils fuyant des combats à Juba