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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : le quiproquo

Jeudi 24 Août 2017 - 13:20

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Le quiproquo définit une situation qui résulte d’un malentendu entre deux personnes ; malentendu qui peut donner lieu à des situations proprement comiques.

En 1959, démarre la première législature. C’est une assemblée hétéroclite où se côtoient, des enseignants, des commerçants et autres. À cette époque, une histoire à la fois hilarante et désolante défraie la chronique. En effet, une délégation de parlementaire se rend en mission officielle  à Paris. Comme de coutume, elle est accueillie par une nuée de journalistes. Un député est cueilli au passage par l’un d’eux qui l’interroge sur la Cuvette congolaise. Le pauvre bougre est mort depuis longtemps.  Je ne citerai donc pas son nom pour ne pas vouer aux gémonies sa descendance. Ceux qui ont connu cette époque s’en souviennent,  sans doute. J’exagère à peine. Les Congolais ont fait des gorges chaudes de la mésaventure de l’interviewé : « Merci monsieur le journaliste. Pour répondre à votre question,  je peux  vous dire que les cuvettes, on en vend partout. Au marché de Poto-Poto, de Moungali et de Bacongo. On en trouve à tous les prix et elles sont très bien vendues ». Relance du journaliste : « je ne vois de quoi vous parlez.  Je vous interroge sur l’importance de la région de la Cuvette dans l’économie congolaise ». Réponse : « Justement, c’est ce que je vous dis. Les cuvettes sont très bien vendues au marché. On en trouve dans toutes les maisons. Elles sont très importantes parce qu’elles servent à conserver de l’eau, à laver le linge, et à différents autres usages ». Le journaliste revient à la charge : « honorable député, je ne vous  parle pas de cuvette comme récipient mais de la région qui porte ce nom ». « Monsieur le journaliste, répond le député, vous ne comprenez rien ». L’interview se termine en eau de boudin. Réalité ou affabulation ? Nul ne le sait. Mais ce voyage a bien eu lieu. Les colporteurs du quiproquo de l’honorable député, sur le zinc de nos bistrots, se recrutent dans l’élite de l’époque, les instituteurs, notamment, pour stigmatiser le crétinisme de certains politiciens de l’époque. Du colportage au journalisme, il n’y a qu’un pas que de nombreux instituteurs franchiront sans peine.  Ce phénomène est déjà observé, dès le début des années 50, à la rédaction de la revue « Liaison ». On y compte de nombreux enseignants, parmi lesquels,  Maurice Lheyet Gaboka, député de la première législature.  « La Semaine Africaine », la doyenne de la presse écrite au Congo, depuis sa création en 1952, de l’apport rédactionnel  des  enseignants.  Bernard Makiza y fait ses premières armes, de même que Côme Mankassa qui bénéficiera d’une bourse de formation au début des années 60. Emile Oboa, enseignant, lui aussi, devient rédacteur en chef de l’Agence congolaise d’information. Des années après les enseignants continueront d’irriguer les sillons de l’information.  La radio connait le même cheminement. François Itoua et Joachim Bitouloulou, sont les journalistes pionniers de la nouvelle radio congolaise ; le premier à la rédaction le second aux programmes. François Itoua est un habitué des chaumières congolaises qui s’abreuvent presque tous à la radio. Elle est,  à cette époque,  l’unique source d’information accessible et populaire. Joachim Bitouloulou est le chef des programmes historiques de la radio congolaise. C’est lui qui ouvre la voie à tous ceux qui vont lui succéder, chefs ou directeurs des programmes : Claude Bivoua, César Mabika, Paulette Yambo, Mfumu Fylla Saint-Eudes, Nguié Alamvo, Ayessa Firmin, etc. Mais Joachim Bitouloulou, je l’ai connu en 1965, à la Grande École de Poto-Poto. Il y venait souvent  réaliser des émissions pour les jeunes enfants. Il a mis sa pédagogie au service des émissions destinées à la jeunesse. Bitouloulou, personnage discret, a façonné nombre d’animateurs de programmes : César Mabika, Anne Marcelle, et autres qui peuplaient le service des programmes. Bien avant ses succès littéraires qui l’ont propulsé au-delà des frontières nationales, Guy Menga, homme de radio, venu de l’enseignement, est connu comme le créateur des émissions les plus emblématiques de Radio Congo : « Les Cocos », « Escale à Brazza ». Guy Menga, Bikouta Menga de son vrai nom, est né à Mankonongo en 1936. André Bernard Samba est celui qui professionnellement m’a le plus impressionné par la qualité de ses papiers reconnaissables entre tous. Il mettait un point d’honneur, dans tous ses écrits, à sublimer la limpidité et l’élégance de la langue. En cela, il était à l’opposé  du verbalisme désuet de nombreux autres  journalistes, sortis du bois, qui tentaient de faire illusion avec des propos alambiqués voire  amphigouriques. Né à Mindouli, le 6 juillet 1948, André-Bernard Samba,  icône du journalisme congolais, est décédé le 6 avril 1983 à Brazzaville.  Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

         

 

MFUMU

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