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Quelle politique africaine pour la France d'Emmanuel Macron ?

Samedi 2 Septembre 2017 - 13:31

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Il est trop tôt, bien sûr, pour être certain que ce qui est écrit ici sera confirmé dans les semaines et les mois à venir. Mais de nombreux signes donnent à penser que la France va modifier sa politique africaine et redevenir du même coup un partenaire majeur du continent. En témoigne le simple fait, pour Emmanuel Macron, d'avoir installé à l'Elysée un Conseil présidentiel pour l'Afrique qui sera  chargé de le conseiller dans les prises de décision à venir.

À la base de ce diagnostic qui, encore une fois, devra être confirmé sur le terrain se trouvent les deux constatations que voici :

1)  Le nouveau président, bien qu'issu de la puissante technocratie qui dirige de facto la France, est un homme pragmatique qui a réussi dans le monde des affaires - au sein de la Banque Rothschild - avant de se lancer en politique au côté de François Hollande. Il a, de ce fait, une vision du monde très différente de celle de ses prédécesseurs et mesure pleinement l'erreur que ceux-ci ont commise en regardant avec condescendance, pour ne pas dire avec mépris, les dirigeants africains. Alors qu'il affirme avec force sa volonté de rendre à la France sa grandeur - lire à ce propos l'interview publiée en fin de semaine dernière dans l'hebdomadaire Le Point – Emmanuel Macron a conscience que cet objectif ne sera atteint que s'il parvient à renouer des liens étroits avec le continent. Ce qui explique, notamment, pourquoi il a confié à l'ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, fin connaisseur des réalités du continent, le prestigieux portefeuille des Affaires étrangères.

2)  Dans le moment présent où l'Union Européenne va devoir se réorganiser de l'intérieur en raison du retrait de la Grande-Bretagne, mais plus encore du désordre généré par la mauvaise gouvernance de ses institutions à Bruxelles la France, face à une Allemagne de plus en plus active et ambitieuse, n'influera sur le destin  de la communauté européenne que si elle demeure, ou redevient, le premier partenaire de l'Afrique. Elle joue dans cette affaire sa place de grande puissance et ne peut donc plus se permettre de sous-estimer le poids humain, économique, financier, culturel, autrement dit stratégique  que celle-ci aura dans les décennies à venir. Et cela va inévitablement l'amener à redéfinir d'abord  sa politique de coopération  avec les pays qui  composent les deux grandes communautés de l'Afrique francophone, CEDEAO et CEEAC, à inciter ensuite les entreprises françaises à réinvestir sur le continent, à resserrer simultanément les liens culturels qui avaient tendance à se défaire ces derniers temps, à accompagner enfin et surtout  le processus d'intégration régionale qui permettra aux pays africains de bâtir le plus vaste marché de la planète dans les trois ou quatre prochaines décennies.

Concernant plus précisément l'Afrique centrale,  Emmanuel Macron va devoir agir rapidement car les agressions judiciaires et médiatiques menées depuis la France contre les dirigeants de la sous-région alors même que celle-ci se trouve confrontée à des problèmes très graves - menaces de génocide en Centrafrique, tensions ethniques croissantes en République démocratique du Congo,  instabilité politique au Gabon - ont créé un climat délétère qu'exploitent sans vergogne les puissances obscures qui bâtissent leur fortune sur la misère humaine.  Si la France, qui a commis l'erreur de retirer ses forces de la RCA sans se préoccuper des conséquences que ce retrait aurait inévitablement, veut contribuer à la restauration de la paix et à la prévention des crises dans cette partie du monde, elle va devoir prendre la juste mesure  des défis auxquels ses dirigeants se trouvent aujourd'hui confrontés. Et soutenir ceux-ci mieux qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent.

Si  Emmanuel Macron veut  envoyer un signal fort à l'Afrique et à la communauté internationale qu'il vienne donc déposer, avec son épouse Brigitte, une gerbe sur les tombes de Pierre Savorgnan de Brazza et de ses parents, à Brazzaville. Alors, effectivement, il renouera avec l'Histoire, la grande Histoire, restaurera la confiance entre l’Afrique et la France et aura aux yeux du monde la stature d’un grand homme d’Etat.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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