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La transition digitale en Afrique : le poids de l’innovation

Samedi 30 Septembre 2017 - 13:51

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La numérisation des économies est un puissant levier de la création des richesses, dès lors que les agents économiques opèrent efficacement la transition digitale, à travers la maîtrise de l’innovation dans les cinq sauts numériques : les télécoms, les services financiers mobiles, l’e-commerce, l’e-gouvernement et l’économie des plateformes collaboratives ou de partage. Selon la Banque (2016), le nombre d’internautes a triplé dans le monde depuis 2005 pour atteindre 3,2 milliards d’utilisateurs, laissant 60% de la population mondiale sans accès à l’Internet.

L’Afrique, deuxième plus grand marché des technologies mobiles au monde, derrière l’Asie-Pacifique, avec 12 % des abonnés uniques mondiaux, demeure le continent le moins couvert par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, à cause de la faible extension des réseaux, du coût élevé d'accès au service, des offres faiblement adaptées aux enjeux locaux du développement qui cachent une profonde fracture numérique entre les agents économiques.

 

I- Des infrastructures :  17000 km de câble sous-marin d’une capacité potentielle de 12,8 Tb/s grâce à la technologie 100 Gb/s, relient l’Afrique à Internet par 117 hubs digitaux entre la France et l’Afrique du sud. L’accès à l’Internet à haut débit varie entre 2 à 173 $ le gigabit de données par mois. Les 74 réseaux 4G ont permis la baisse des prix des téléphones portables à bas coût de 160 $ en moyenne en 2015 à 230 $ en 2012, et amélioré le taux de pénétration de la téléphonie mobile de 5 % en 2003 à 73 % en 2014. L’utilisation des smartphones passera de 18% en 2015 à 50% d’ici 2020. L’internet apportera 10% de croissance du PIB africain d’ici 2025.

Le projet américain One Laptop Per Child, lancé dans plusieurs pays africains en 2005, équipe à bas coût les écoles en ordinateurs portables. Il a permis à 2 millions d’éducateurs et d’élèves d’avoir 2,4 millions d’ordinateurs au prix d’environ 200 $ l’unité avec une plate-forme pédagogique libre. La création des incubateurs favorise le développement des start-up. La convention de l'Union Africaine sur la protection des données personnelles permet aux grands groupes internationaux de s’implanter en Afrique comme Orange et son Orange Money ou Safaricom et son service M-Pesa qui facilitent les transferts d'argent internationaux. L’Afrique réalise 52% des transactions mondiales via le téléphone portable (Deloitte, 2017).

 

II- Aux agents économiques : Leur transition numérique est freinée par la faible consolidation des cinq sauts numériques au niveau :

- des ménages : 11 % des ménages connectés qui possèdent souvent plusieurs cartes prépayées, cumulent 965 millions de SIM à la fin 2015. Ce nombre atteindra 1,3 milliard vers 2020. Le taux de pénétration d’Internet en Afrique subsaharienne est passé de 1,22 % en 2006 à 10,84 % en 2014, contre de 60% à 80% dans les pays développés ;

- des entreprises : McKinsey (2013) estime la contribution de l'Internet au PIB africain à 300 milliards $ en 2025, et 75 milliards $ chaque année par le commerce en ligne et 300 milliards $ de gains de productivité seront accomplis dans les secteurs clés. Ces performances sont limitées par le prix élevé de l’abonnement aux offres internet qui cache la difficulté des pays à surmonter le coût de la construction des « 1 000 derniers kilomètres d’infrastructures » qui permettraient d’amener le réseau jusqu’aux usagers finaux. L’enclavement majore de 232 $ le coût moyen mensuel d’accès à Internet. Le prix d’une connexion Internet haut débit est en moyenne de 206,61$ par mois sur les côtes, contre 438,82 $ dans les pays enclavés, quand ce coût n’est que de 8,53 $ par mois en moyenne dans les pays de l’OCDE ;

- des administrations : plus d’une vingtaine de pays seulement ont mis en place des registres de cartes d'identité et électoraux biométriques. La dématérialisation native et duplicative des documents s’observe dans les programmes de l’e-Nantis de l'Afrique du Sud pour l'enregistrement des voitures, dans celui de la carte Chifa algérienne, du projet eHealthcare du Gabon, qui a modernisé le système d'assurance maladie du pays en délivrant des cartes de santé, du programme SMS for Health de la Gambie, et de la dématérialisation des procédures douanières du Sénégal et ailleurs.

Ainsi, par l’innovation, le digital rapproche l’offre de la demande, l'administration du citoyen. Son développement nécessite des infrastructures performantes et des faibles coûts des services pour passer de la consommation numérique de masse à la production de contenus et de services à forte valeur ajoutée.

 

 

 

 

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestio

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Édition Quotidienne (DB)

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