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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : le diable est dans les détails

Vendredi 10 Août 2018 - 20:37

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Le 15 août prochain, double commémoration au Congo : le 58e anniversaire de l’indépendance et le 55e anniversaire de la chute du premier président de la République du Congo, l’abbé Fulbert Youlou. Tout ou presque a été dit sur ce sujet. Qu’importe ! Commémoration oblige.

Le 15 août 1960, dans la liesse générale, sous le chant de la liberté, le Congo accédait à l’indépendance, le soleil se levait enfin, après une longue nuit de colonisation. Le bonheur, hélas, n’est toujours pas au rendez-vous.

Le 15 août 1963, le régime de Youlou s’écroule. Le détail ayant entraîné son départ, la fatuité de Nzalakanda. Dans son livre : Les Trois « Glorieuses » ou la chute de Fulbert Youlou, Rémy Boutet raconte au sujet de Nzalakanda : « Son train de vie fastueux et, surtout, son arrogance démesurée vont le conduire peu à peu à sa perte. Un jour à Bacongo, un Lari le toise au sujet de l’injustice sociale et la mauvaise gestion des deniers publics et lui demande pourquoi il participe à ce pillage national, Nzalakanda lui répondit :

  • « Vous n’êtes tous venus ici sur cette terre que pour nous accompagner. Nous sommes les seuls dignes à profiter des bienfaits du pouvoir ».

[…] « Ces propos ont été par la suite vécus et interprétés comme un défi personnel que Nzalakanda avait lancé aux siens, aux Lari. Il s’agissait de le lui faire payer et de lui montrer, conformément au dicton congolais : « dans cette vie, chacun occupe à son tour la place au soleil », qu’il ne profiterait pas de son avantage éternellement. Pourtant, poursuit Rémy Boutet, Youlou est au courant de ce conflit entre Nzalakanda et les siens. Mais à ce moment précis, il ne veut pas en tenir compte. Il ne veut pas céder. Il ne se souvient plus que le pouvoir s’exerce avec le soutien de la rue. Son entêtement à garder Nzalakanda avec lui va constituer une erreur fatale ». Cet impedimenta et l’autisme l’auront perdu, comme Massamba-Débat, des années plus tard, avec ses encombrants Mbindi, Mabouaka, Castro, etc. Youlou a payé un détail, le refus d’exclure Nzalakanda du gouvernement, détail qui a occulté les autres revendications portées par les syndicalistes. Il lui avait manqué l’opinion péremptoire de Machiavel sur les qualités d’un bon gouvernant : « Quand on veut appréhender sa capacité, c’est d’abord par les personnes qui l’entourent que l’on en juge […] mais on en pense tout autrement si ces personnes ne sont point telles ». Il n’avait pas lu Le Prince. À l’heure des comptes, le chef est toujours seul à assumer les errements des siens. L’abbé Fulbert Youlou, débarqué du pouvoir, qui se souvient encore aujourd’hui de ses réalisations ? Peu de gens, en tout cas. Devoir de mémoire ou volonté d’absolution, dans son livre,  Si Bacongo m’était conté, La joie de vivre métamorphosée en violence, Dieudonné Ganga écrit : « l’on rapporte que quand il [Youlou] avait reconnu l’Etat sécessionniste du Katanga, le Premier ministre Moïse Tshombé, son ami, lui avait remis des diamants et beaucoup d’argent avec lequel, il avait acheté à Vaucresson, dans la banlieue parisienne, la Résidence de l’ambassadeur du Congo en France et à Paris la Chancellerie de la Rue Scheffer dans le 16e arrondissement, les immeubles abritant la Maison des étudiants congolais (MEC), [rue Broca], les appartements de la rue Boussingault pour les stagiaires congolais, la Chancellerie à Bruxelles en Belgique, la Chancellerie à Washington, la Résidence de l’ambassadeur à New York. Avec cet argent, il a construit l’hôtel de ville de Brazzaville, le Commissariat central [situé actuellement dans l’enceinte de l’état-major, du côté de la mairie], les mairies de Bacongo, de Moungali et de Ouenzé ; il fit d’autres réalisations comme les premiers travaux du barrage du Kouilou dont la finition est toujours renvoyée aux calendes grecques ». « Quant à l’hôtel du pool ou Bilombo qui est devenu L’Olympic Palace, il l’a construit grâce à un prêt qui lui avait été octroyé par la Banque nationale de développement du Congo (BNDC) ».

Dans un audit, jamais publié, commandé par le gouvernement Massamba-Débat, aucune trace de détournement de deniers publics imputables à l’abbé Fulbert Youlou n’a été relevée. C’est un secret de polichinelle. Comme le disait Vilfredo Pareto, cité par Dieudonné Ganga : « Certaines révolutions n’ont abouti qu’à duper le peuple ». Chaque jour qui passe, ici et ailleurs, nous donne la preuve que duperie et politique sont consubstantielles. Evidemment, au Congo, cette consubstantialité est pathétique.

Dans quelques semaines, la République aura 60 ans. N’est-ce pas l’occasion pour tous ceux qui l’ont gérée, chacun dans son domaine, de faire un bilan ? Notamment, certains membres de l’opposition actuelle, anciens ministres, qui ont beau jeu, depuis leur défenestration de se défausser sur les autres, à la recherche d’un certificat « es bonne gouvernance », alors que leur passé parle pour eux. « Le bilan des 60 ans de la République », un très bon sujet pour un dialogue constructif. Le pays en tirerait, sans aucun doute, des lauriers. Les véritables héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.                             

 

 

Mfumu

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