Coopération : les grandes puissances se lancent dans une bataille en Afrique

Samedi 1 Septembre 2018 - 14:30

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Sous le label de la diplomatie, les Etats-Unis, le Royaume-uni, l’Allemagne enchaînent des visites sur le continent africain. Tous veulent se tailler la part du lion, à l’instar de la Chine, qui a déjà pris ses racines dans une coopération gagnant-gagnant.

La bataille diplomatique entre les grandes puissances autour de l’Afrique n’est qu’à ses débuts, chacun veut marquer son territoire pour affirmer sa suprématie. Un engouement qui s’explique par le seul fait de la richesse que regorge ce continent quasi-inexploité, son potentiel humain et son marché qui offrent plusieurs opportunités.

Le continent nor est actuellement au cœur d'un combat de positionnement de la part de grandes puissances internationales, alors que le monde s’engage dans une nouvelle guerre qui, cette fois, est commerciale. Toutes veulent jouer la carte de l’aide au développement pour tenter de courtiser un marché en plein essor. Mais l’Afrique, en pleine guerre commerciale internationale, ne rejette aucune offre dans l’espoir de tirer profit, à l’avenir, des échanges bilatéraux qui en découleront. Une bataille d’envergure s’ouvre alors.

L’offensive britannique

Elle a été donnée par la Première ministre,Theresa May, qui a entamé en Afrique du Sud une première visite pour un chef de gouvernement britannique en Afrique après plusieurs années, avec une délégation d'hommes d'affaires et d’acteurs financiers. Dans la nation arc-en-ciel,  elle a posé la première pierre d'un « nouveau partenariat » de son pays avec l'Afrique, dont elle veut devenir le premier investisseur occidental pour compenser les pertes économiques attendues du Brexit.

Cette tournée africaine de Theresa May a valu plus de trois cents millions de livres sterling d'accords d'investissements conclus. Ce montant devrait être investi dans de nombreux secteurs et devrait générer plus de trois mille emplois à travers le continent, principalement dans les pays visités, à savoir l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria. Si cette série d’accords est annoncée comme prolifique, en termes d’emplois et de revenus pour les pays du continent, elle représente surtout la première étape d’une stratégie de conquête du marché africain par Londres, en plein Brexit.

Tandis que Theresa May porte l'offensive vers le sud et l'est du continent, sa collaboratrice Hariet Baldwin, ministre britannique en charge des questions africaines, a signé des contrats commerciaux pour vingt millions de livres sterling au Ghana. Au Nigeria, elle a annoncé la mise en place d’un programme de soixante-dix millions de livres sterling visant à créer environ cent mille emplois. Ce déploiement est perçu comme une façon d’ouvrir un front de bataille contre la France d’Emmanuel Macron et l’Allemagne d’Angela Merkel.

La Réplique allemande

Angela Merkel, de son côté, veut doper la présence de son pays en Afrique. En mini-tournée, la chancelière allemande s’est rendue au Sénégal, au Ghana et au Nigeria, au moment où Berlin mise sur le développement du continent pour endiguer les flux migratoires et renforcer la lutte contre la menace djihadiste.

Une visite aussi à forte coloration économique. L'influence allemande en Afrique continue de grandir et Angela Merkel n’a pas manqué de défendre la pertinence du projet « Compact with Africa » mais aussi de plaider pour plus d'investissements allemands dans la région. Un engagement pour tenter de placer les entreprises allemandes dans les radars économiques ouest-africains et peut-être même du continent.

Jusque-là, les dix milliards de dollars d'investissements annuels de l'Allemagne en Afrique sont presque aussitôt happés par l'Algérie, l'Afrique du Sud et le Nigeria. Mais à la faveur d'un nouvel élan qu'Angela Merkel souhaite donner à sa diplomatie africaine, l'Allemagne veut élargir l'horizon de ses entreprises sur le continent. Une parole jointe à l'acte. Qu’annonce donc le retour en Afrique d’une Allemagne longtemps restée en retrait ?

Les Américains ne sont pas en reste

Dans l’administration Trump, le ton a été donné par le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, en tournée sur le continent africain, en mars dernier. Cette visite au Nigeria, au Tchad, à Djibouti, au Kenya et en Ethiopie a été l’occasion de renforcer les liens de coopération entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Afrique. La tournée en terre africaine s’est focalisée sur la paix et la sécurité, la bonne gouvernance, le commerce et la lutte contre le terrorisme.

Une volonté qui ne cesse de prendre corps avec la réception, par Donald Trump, du président kényan, Uhuru Kenyata, récemment réélu. Le Kenya recevra une mission de conseils américains pour discuter du « Doing Business in Africa ». Mais surtout Trump n'a pas manqué de plaider la cause d'une entreprise américaine Betchel, en course pour construire une autoroute au Kenya. Au total, des engagements et promesses de contrats évalués à neuf cent mille millions de dollars.

La Chine règne en maître 

Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a augmenté de 14% pour atteindre cent soixante-dix milliards de dollars en 2017, faisant de l’Empire du Milieu, le premier partenaire commercial du continent africain pour la neuvième année consécutive. Ce volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a même augmenté de 16% en glissement annuel, pour atteindre 98,8 milliards de dollars au premier semestre 2018.

Insistant sur l’intensification des relations économiques entre la Chine et l’Afrique, le vice-ministre du commerce chinois, Qian Keming, a expliqué, au cours d’une conférence de presse, en prélude au Forum sur la coopération sino-africaine, que les grands projets d’investissement chinois sur le continent ont connu un développement proactif avec de nouvelles avancées dans la coopération, notamment dans les secteurs de la fabrication, de la finance, du tourisme et de l’aviation. Les investissements directs annuels de la Chine en Afrique s’étant maintenus à environ trois milliards de dollars au cours des trois dernières années.

Ce ramdam diplomatique semble suivi de loin par les opinions et les élites africaines. Pourtant, il se déroule au plus fort d'un moment tout aussi exceptionnel, celui d'une nouvelle guerre entre les grandes puissances. L’Amérique a ouvert le front contre tout le monde. Les Britanniques continuent de tourner le dos à l'Union européenne. Et la Chine qui installe progressivement sa domination dans une coopération jugée bénéfique par toutes les parties.

Josiane Mambou Loukoula

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