Opinion

  • Tribune libre

La soutenabilité des finances publiques : les enjeux du contrôle

Samedi 29 Septembre 2018 - 12:00

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Le 7 mars 2005, avait été installée la Cour des comptes et de discipline budgétaire du Congo dans le Palais de justice de Brazzaville. Elle est chargée de contrôler, de certifier les comptes et d’assurer la soutenabilité des finances publiques ou l’équilibre budgétaire de l’État dans l’équité, la transparence et la responsabilité. La loi organique n°10-2017, du 9 mars 2017, fixe ses missions, règles et principes de fonctionnement. Mais l’article 95 renvoie la prise d’effet des principales dispositions au 1er janvier 2022, creusant davantage le vide juridique qui accentue les déficits au niveau:   

1) des règles par l’affaiblissement du contrôle juridictionnel. Dès 1962, le rôle d’institution supérieure de contrôle des finances publiques est confié à la Cour suprême par les dispositions de l’article 5 de la loi n°4-62 du 20 janvier 1962 portant création de cet organe, pour juger les comptes des comptables publics et contrôler la gestion financière et comptable des entreprises nationales ainsi que des établissements publics à caractère industriel et commercial dans les conditions fixées par une loi organique.

La loi n°53-83 du 21 avril 1983, portant réorganisation de la justice en République Populaire du Congo, créa une Cour des comptes dans ses articles 83 à 113 qui précisent que ses arrêts définitifs sont susceptibles de recours en cassation devant la Cour suprême ou de pourvoi en révision devant la Cour des comptes elle-même. La loi n°022-92 du 20 août 1992 organisant le pouvoir judiciaire, modifiée et complétée par la loi n°19-99 du 15 août 1999, cite à son article 1er la Cour des comptes parmi les juridictions nationales et y consacre ses articles 7 à 45. Cet organe est confirmé par l’article 189 de la Constitution du 25 octobre 2015. Son budget de 1,7 milliard FCFA en 2017 comprend essentiellement les traitements des magistrats.

Or l’article 74 de la loi organique n°36 du 3-10-2017 de la loi de finances indique que :  «  le ministre des Finances nomme, auprès de chaque ministre sectoriel et haute autorité responsable d’institution constitutionnelle, un contrôleur budgétaire chargé de veiller à la conformité et à la régularité des projets d’engagements ». L’article 77 autorise ce contrôleur à « cumuler les fonctions de comptable et de contrôleur budgétaire pour rationaliser la chaine de dépenses ». Cette rationalisation inclut les missions de l’Inspection générale de l’État, en charge de l’audit et de l’évaluation des comptes publics, qui exerce un contrôle interne a priori et celles de l’Inspection générale des finances, organe de contrôle interne a posteriori, chargé d’enquêter et de surveiller les finances publiques. Elle ne peut se substituer au contrôle juridictionnel du magistrat d’autant que l’article 89 prescrit les fautes de gestion cinq ans après leurs faits. N’étant pas connecté aux systèmes d’information des régies financières, le comptable-contrôleur ne peut détecter et réguler, en temps réel,  les risques. Les rapports des organes de contrôle de l’exécutif ne sont pas diffusés aux fins d’examen et de partage d’informations, limitant la capacité de vérification, de contrôle et de veille de la soutenabilité des finances publiques;

2) des normes de convergence régionale qui obligent les pays de la Cémac  d’avoir un solde budgétaire nul ou positif. Au Congo, ce solde est de - 5,2 % en 2014 contre -25% en 2017. Le Comité du plan de trésorerie, créé en 2016, n’est toujours pas opérationnel. La gestion de la trésorerie se limite au suivi de l’exécution du budget sans anticipation des correctifs appropriés pour minimiser les pertes. Le pays a perdu cinq points sur l’échelle de notation financière des agences internationales entre 2013 et 2017, avec une dette publique de plus de 127% en 2017, supérieure aux 70%, autorisés par la Cémac ;

3) des valeurs, le Congo a perdu vingt et une places en onze ans, en passant du 140e rang mondial en 2006, au 161e rang en 2017 sur l’échelle de l’indice de perception de la corruption de Transparancy International (2018). La Commission de lutte contre la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées, créée par la loi n°5 de 2009 du 22 septembre 2009, avec un budget de 313,6 millions FCFA en 2017, a perdu le combat contre les antivaleurs.

Ainsi, l’affaiblissement du contrôle juridictionnel durant la longue transition ne permet pas à l’exécutif de garantir la soutenabilité des finances publiques. D’où, l’urgence de publier les décrets d’application des lois en souffrance, liées au contrôle, en séparant les pouvoirs et en promouvant la sincérité des comptes publics et la bienveillance de l’État pour retrouver  l’équilibre budgétaire.  

 

 

 

Emmanuel Okamba, maître de conférences en sciences de gestion

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Tribune libre : les derniers articles