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A propos de la redistribution des cartes ...

Samedi 27 Octobre 2018 - 19:46

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Le temps que nous vivons a ceci de fascinant qu'il rebat les cartes sur la table du jeu mondial, chaque jour qui passe voyant se produire des coups de poker que l'on n'aurait jamais pu imaginer il y a quelques années. L'une après l'autre, en effet, les grandes puissances qui se font face autour de cette même table et qui avançaient jusqu'alors posément leurs pions affichent désormais, de façon claire, leur volonté de s'imposer et n'hésitent pas, pour cela, à prendre de sérieux risques dans les régions du globe les plus instables et donc apparemment les plus attrayantes pour elles.

Prenons le cas de l’Europe. Inféodée jusqu’à présent aux Etats-Unis à travers l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), elle a pris le risque, au lendemain de l’implosion de l’Union Soviétique, d’agréger les anciens satellites de l’URSS. Ce faisant, elle a rendu sa communauté ingouvernable au sens propre du terme, ce dont témoigne la montée du populisme dans les pays de l’Est et surtout l’incroyable  retrait de la Grande-Bretagne  de  l’Union européenne provoqué par le Brexit. Résultat des courses : cette dérive a convaincu les Etats-Unis de Donald Trump de se lancer dans une politique dite de l’"America first" qui creusera dans les années à venir un véritable fossé entre les nations occidentales qui jusqu’alors dominaient la gouvernance mondiale.

Autre conséquence dont nous voyons se dessiner les contours : la déliquescence du camp occidental a convaincu la Russie de Vladimir Poutine d’élever à nouveau un mur entre l’Est et l’Ouest européen. Un changement d’attitude que l’on peut aisément comprendre lorsqu’on se souvient du prix que l’Union Soviétique de Staline paya lorsque l’Allemagne d'Adolf Hitler tenta de l’asservir, provoquant un conflit mondial dont son peuple fut l’une des principales victimes. Même si cela ne se dit pas encore officiellement à Moscou, la réunification de l'Allemagne et surtout sa montée en puissance dans l’Union européenne est perçue comme un danger potentiel contre lequel il convient de se défendre par anticipation. D'où les manœuvres militaires spectaculaires montées ces dernières semaines sur le territoire russe à portée immédiate des pays baltes.

Ceci étant écrit, prenons un autre cas tout aussi significatif : celui de la Chine. Asservie par les puissances occidentales puis dévastée par les troupes japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a payé elle aussi au prix fort son incapacité à se protéger des agressions extérieures. Mais voici qu’ayant réussi à mettre de l’ordre  dans sa gouvernance interne et ayant emprunté à l’économie de marché les techniques qui avaient démontré leur efficacité en Europe et aux Etats-Unis, elle s’impose maintenant comme la deuxième puissance économique mondiale et très probablement même la première à brève échéance si rien ne vient entraver sa progression. Avec ce résultat que personne, il y a encore quelques mois, n’aurait osé imaginer que le Premier ministre japonais, Shinzo Abe,  se rende à Beijing ces derniers jours sinon pour faire allégeance à la Chine, du moins pour négocier un accord stratégique avec son tout puissant président, Xi Jinping.

Que faut-il conclure provisoirement de ce qui précède ? Ceci qui paraîtra fou à certains de nos lecteurs : dans le moment même où la communauté humaine s’apprête à commémorer le centième anniversaire de la Première Guerre mondiale, les cartes se rebattent sur la scène de telle façon que l’on ne peut plus exclure de nouveaux conflits planétaires. C’est, en effet, ce que laisse entrevoir la course aux armements lancée par le président américain, Donald Trump, qui affirme vouloir rejeter le traité d'interdiction des armes nucléaires de moyenne portée et lancer une stratégie de conquête militaire de l’espace, ce qui ne puisse rien augurer de bon.

Dans le contexte de nouvelle Guerre froide qui se dessine, il reste à espérer que les pays émergents, qui représentent les deux tiers de l’humanité, sauront faire entendre la voix de la raison avant qu’il soit trop tard.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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