Afrique-Défense: l'évolution des dépenses militaires

Jeudi 29 Novembre 2018 - 11:45

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La résurgence des crises sécuritaires est à l'origine de l'augmentation des dépenses militaires en Afrique subsaharienne, selon un rapport du Sipri ( Institut international de recherche sur la paix).

L'étude intitulée Military expenditure transparency in sub-saharan Africa) passe à la loupe quarante-sept pays d'Afrique subsaharienne. Bien que la valeur des dépenses militaires dans cette région soit la plus faible de toutes les régions du monde, celles-ci ont connu une hausse constante au cours des cinq dernières décennies (1966-2017).  En 2017, l’Afrique subsaharienne se situait au troisième rang du classement des régions ayant la plus grande charge militaire par rapport au produit intérieur brut, avec une part de 1,7%, contre 3,6% pour l’Afrique du nord et 5,2% pour le Moyen-Orient, selon l'étude.

L'évolution des charges militaires représente désormais 6,9% des dépenses publiques des pays de la région. Mais elle est liée à l’évolution du climat politique, économique et sécuritaire.  Entre 1966 et 1977, les dépenses militaires des pays d’Afrique subsaharienne ont presque quadruplé en termes réels, passant de 3,7 à 14,4 milliards de dollars. Cette augmentation s’explique par la mise en place, par les nouveaux Etats indépendants de l’époque, d’un programme de développement des capacités militaires nationales. Toutefois, entre 1977-1996, le rapport note une chute des dépenses militaires de près de sept milliards de dollars, grâce à la venue de la première vague de démocratisation, à de politiques "d'ajustement structurel''; et un nouveau regain entre 1997 et 2014, triplant pour atteindre 22,8 milliards de dollars avant de chuter de 14% en 2017, pour passer à 19,6 milliards de dollars.

La résurgence de crises nationales entre 2014 et 2017 a augmenté les dépenses militaires, en formation et achats d’équipements. C'est le cas au Mali qui a enregistré une hausse de 152% de ses dépenses militaires (lutte contre les groupes extrémistes islamistes armés), la République démocratique du Congo, une hausse de 29% (violences politiques impliquant des milices). Selon le rapport, la chute des prix du pétrole, à partir de 2015, a eu un impact considérable sur les finances nationales et sur les dépenses militaires globales de la région, les dépenses militaires des pays d’Afrique subsaharienne ayant chuté de 3,2 milliards de dollars pour atteindre 19,6 milliards en 2017. En Angola, par exemple (entre 2014 et 2017), les dépenses militaires ont diminué de 61% en termes réels (3,7 milliards de dollars) pour atteindre leur plus bas niveau depuis 2004, faisant passer le pays du premier rang en Afrique subsaharienne en termes de dépenses en 2014, au troisième rang en 2017 (derrière le Soudan et l’Afrique du Sud). Au Nigeria, les coups d’Etat successifs qui ont eu lieu et la guerre du Biafra ont accéléré la hausse des dépenses militaires, notamment entre 1966 et 1975 (1943% atteignant sept milliards de dollars). Les chocs pétroliers ont contribué à leur chute (1,7 milliard de dollars en 2017) alors que le climat sécuritaire à cause de la lutte contre le groupe Bolo Haram demeure présent et tendu.

Le document souligne une stratégie globale de transparence des dépenses militaires qui a permis la collecte des données. Ainsi, entre 2012 et 2017, quarante-cinq des quarante-sept Etats ( excepté la Guinée équatoriale et l'Érythrée) ont publié au moins un document budgétaire officiel, concernant leurs dépenses militaires. Mais l’étude souligne que les Etats d’Afrique noire font toujours preuve de réticence quant à divulguer leurs dépenses militaires aux autres pays du monde, et l'absence de dispositif régional en matière d’échange d' information sur leurs dépenses en armement. L'étude regrette, cependant, la non-prise en compte du processus de transparence militaire par le rapport des Nations unies, le seul mécanisme international de publication de rapport sur les dépenses militaires auquel ont adhéré les pays d’Afrique subsaharienne.

Si les pays africains rechignent à révéler leurs dépenses militaires, c'est parce qu'ils les considèrent comme des ''secrets défense''. Ainsi, sur les cinquante-quatre États membres africains de l'ONU, seuls dix-neuf ont participé au moins une fois aux rapports annuels de cette organisation sur les dépenses militaires au cours de la période 1981-2017. Au cours de la décennie 2008-17, seuls cinq des quarante-neuf États d'Afrique subsaharienne ont soumis au moins un rapport sur les dépenses de leurs forces armées. On sait qu' '' aucun État d'Afrique subsaharienne n'a présenté de rapport depuis 2015 et seul le Burkina Faso a présenté un rapport pour toutes les années jusqu'en 2014'', indique l' étude. 

Si le texte note des efforts pour rendre accessibles les documents au niveau national, il appelle à ''améliorer la fiabilité et l'exhaustivité de ces informations ... (et) à motiver les dépenses militaires par des politiques publiques claires, rationnelles et lucides, afin que le développement de programmes d’armements ne se fasse pas au détriment du développement économique et social du pays''.

Noël Ndong

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