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Médecine pour tous: à nouveau et toujours, attention à votre tension!

Mardi 29 Janvier 2019 - 13:39

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De la tension normale à l’hypertension artérielle

La pression artérielle est certainement le plus important paramètre hémodynamique qui participe au fonctionnement de la quasi-totalité des organes du corps humain. Elle correspond à la pression que développe le cœur pour propulser le sang dans toutes les artères de notre organisme (pression systolique) puis à la phase de son remplissage (pression diastolique). La pression ou tension artérielle a par conséquent deux composantes, la systolique (S) et la diastolique (D), présentées comme S/D cmHg. Elle est considérée comme normale chez l’adulte, si ses deux composantes sont inférieures ou égales à 12-12,9 et 8-8,4 cmHg, respectivement. A partir de 14/9, on est dans la zone de l’hypertension artérielle (HTA) de grade I (ou légère), qui deviendra de grade II (ou modérée) à partir de 16/10,9 et de grade III (ou sévère) à partir de 18/11 cmHg. Lorsque seule la première composante est élevée, on parle d’HTA systolique ou isolée. Toutefois, en raison de la relation continue qui existe entre les niveaux de pression artérielle et le risque cardiovasculaire, il est impossible de définir un seuil précis d’HTA.

Place de l’HTA dans le monde et en santé publique.

La prévalence de l’HTA est considérable car cette affection touche une proportion importante du monde, soit près de 1,2 milliard de personnes. Elle est l’une des principales causes de mortalité précoce dans le monde avec près de huit millions de décès par an. Aussi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a-t-elle déclarée problème mondial de santé publique. Sa prévalence était la plus forte dans la région africaine avec 46% contre 35% de la population dans la région des Amériques en 2008. Au Congo, ce taux se situe en moyenne à 15% en zone rurale mais atteint les 35-40% en zone urbaine, notamment à Brazzaville et à Pointe-Noire. On retiendra qu’en Afrique, il y a cent millions d’hypertendus dont quatre-vingts millions non contrôlés, que la prévalence de l’HTA augmente avec l’âge, qu’avant 65 ans il y a moins de femmes que d’hommes hypertendus et que les Noirs sont plus sévèrement et plus fréquemment atteints que les Blancs. Les prédispositions génétiques font l’accord de tous et expliquent les formes familiales d’HTA. L’HTA est non seulement une maladie mais également un facteur de risque cardiovasculaire majeur. Comme maladie, elle est responsable des symptômes rapportés plus loin. Comme facteur de risque cardiovasculaire, sa morbi-mortalité est corrélée à l’élévation des chiffres de tension et à l’association des autres facteurs de risque artériels tels que l’âge, le diabète sucré, les dyslipidémies, l’éthylisme, la consommation excessive de sel, l’obésité, le syndrome métabolique, le tabagisme, etc.

Quels sont les mécanismes de HTA?

Les mécanismes de l’HTA peuvent être schématiquement déclinés à partir de l’équation suivante : pression artérielle=débit cardiaque x résistances artérielles. Dans cette formule interviennent principalement les contractions du cœur, le système sympathique et le système rénine-angiotensine-aldostérone généré dans le rein et le foie.

Comment diagnostiquer l’HTA?

1). L’HTA est réputée être longtemps asymptomatique, aussi l’appelle-t-on souvent le tueur silencieux. Néanmoins, les céphalées, les vertiges, les acouphènes, les épistaxis ou la fatigue en constituent souvent des points d’appel.

 2). La mesure de la pression artérielle permet d’affirmer l’HTA. Certes, il y a le risque de l’HTA liée à l’effet « blouse blanche » mais le médecin sait comment en contourner les effets.

3). L’automesure de la pression à domicile est recommandée et, si nécessaire, la mesure ambulatoire (MAPA ou Holter tensionnel). A partir des niveaux tensionnels indiqués plus haut, on peut affirmer l’HTA et son grade.

Quels bilans pour l’HTA ?

 Les bilans de l’HTA sont nombreux et coûteux mais ils sont nécessaires.

a) Les bilans visant à affirmer la cause de l’HTA (HTA dite secondaire) sont, dans un premier temps, cliniques et biologiques. Ils recherchent les consommations de toxiques tels que les contraceptifs, les excitants sexuels, les corticoïdes, les alcools, les produits contenant de la glycyrrhizine, etc., l’existence d’un syndrome d’apnée du sommeil, les signes physiques d’une cause organique.

b) D’autres investigations recherchent les facteurs de risques associés à l’HTA, ce qui permettra d’évaluer le risque cardiovasculaire global du patient.

c) Les bilans du retentissement de l’HTA permettent de connaître l’état des organes-cibles, notamment du cœur (électrocardiogramme, échocardiographie Döppler), de l’encéphale, surtout en cas d’accident vasculaire cérébral ou AVC (Scanner, IRM), des reins (IRM, débit de filtration glomérulaire) et des yeux (fond d’œil, angiographie à la fluorescéine)

Quelles sont les principales modalités du traitement de l’HTA?

1) Il faut appliquer les règles générales, notamment celles-ci:

 a) une fois confirmée, l’HTA doit être traitée à vie, sans discontinuer, même si elle est asymptomatique. Seule une cause curable (exemple, une tumeur dont l’ablation est chirurgicale) peut résoudre l’HTA qui est alors étiquetée « secondaire », l’autre forme, la plus fréquente, étant « essentielle » ;

 b) les médicaments de la rue sont à proscrire ;

 c) l’efficacité du traitement médicamenteux est étroitement liée au respect des mesures hygiéno-diététiques, notamment l’arrêt de la prise d’alcools, la restriction de la consommation de sel, la lutte contre le surpoids, un régime alimentaire privilégiant la consommation de fruits, de légumes verts et de graisses insaturées ;

d) la pratique régulière des activités physiques;

e) seul un médecin est habilité à traiter l’HTA et à en surveiller les effets et les méfaits du traitement.

2) La prise régulière et soutenue de médicaments est obligatoire, hormis dans le cas de l’HTA de grade I pour laquelle il faut d’abord privilégier les mesures hygiéno-diététiques. Toute résistance confirmée au traitement doit faire rechercher une cause organique.

Résultats attendus du traitement et après ?

L’objectif final du traitement est d’obtenir les valeurs cibles de pression de 13/8 cmHg ou moins chez les patients de moins de 65 ans et de 13,9/8 pour les plus âgés. Dans tous les cas et surtout chez les sujets de plus de 65 ans, voire de 80 ans, il faut éviter la survenue d’une hypotension artérielle. Outre la maîtrise des chiffres tensionnels, il faut également:

 a) maintenir la stabilité de ces résultats grâce à un suivi régulier et à l’éducation du patient (respect des mesures hygiéno-diététiques);

b) surveiller l’évolution des facteurs de risque associés et l’atteinte des organes-cibles, notamment du cœur (myocardiopathies hypertensives), des reins (insuffisance rénale), de l’encéphale (risque élevé d’accidents vasculaires cérébraux) et de l’œil (rétinopathies hypertensives) ;

c) enfin, imposer un contrôle biologique semestriel ou annuel évaluant principalement les ionogrammes sanguins, la créatininémie et le débit de filtration glomérulaire.

Conclusion                                 

L’HTA est un fléau mondial qui n’épargne aucun pays. En raison de sa prévalence et du niveau élevé de sa morbi-mortalité, l’OMS en a fait un problème majeur de santé publique. L’évaluation de l’HTA est mieux assurée par l’automesure et par la mesure ambulatoire ou Holter tensionnel. Son traitement, prescrit le médecin, est sous-tendu par le binôme « mesures hygiéno-diététiques+traitement pharmacologique soutenu ».

 

 

 

Christophe Bouramoué, professeur émérite nbouramoue@yahoo.fr

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