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Ministres et fils de ministres

Vendredi 21 Mars 2014 - 0:42

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Depuis quelques années, des fils d’anciens ministres ont fait leur entrée dans différents gouvernements de la République. Sans que l’on trouve à redire. À vrai dire, même involontairement, c’est un véritable progrès qui met en berne la suspicion pathologique des Congolais.

L’ancien ministre Pierre Ngouonimba-Nczari fit son entrée au gouvernement en 1970 en qualité de secrétaire d’État au développement, chargé de l’Agriculture. Son fils Josué-Rodrigue Ngouonimba est actuellement ministre du Tourisme et de l’Environnement. Guy Brice Parfait Kolélas est ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’État. Son père, Bernard Kolélas, incarna longtemps l’opposition au pouvoir marxiste sur une ligne de partage idéologique. Il était crédible, contrairement à l’opposition sociale-démocrate actuelle qui ferraille contre d’autres sociaux-démocrates au pouvoir. Inexplicable. En pleine guerre dite du 5 juin 1997, Bernard Kolélas est nommé Premier ministre, chef du gouvernement, le 8 septembre 1997, par le président Pascal Lissouba.

Serge-Blaise Zoniaba est ministre de l’Enseignement technique, professionnel, de la Formation qualifiante et de l’Emploi. Son pater, Bernard Zoniaba, est né à Souanké, en République du Congo. Enseignant de carrière, il fut membre du gouvernement, sous le président Massamba-Débat, par un décret du 28 octobre 1964, en qualité de secrétaire d’État à la présidence de la République, chargé de l’Information et de l’Éducation populaire et civique. Admis à la retraite, il se consacra à l’écriture. La Pygmédie, vraisemblablement un néologisme forgé pour les besoins du livre, vient d’être publié, à titre posthume, aux Éditions Métsio.

Les pygmées, ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le vocable inapproprié de populations autochtones, sont, depuis la nuit des temps, au ban de la société bantoue. Leur sort préoccupe de plus en plus les pouvoirs publics. Mais avec cet euphémisme contreproductif, « populations autochtones », on stigmatise et on ostracise, sans le vouloir, ces habitants nomades de l’immense forêt de l’Afrique équatoriale, pygmées et fiers de l’être. Le livre de Bernard Zoniaba pose le problème des relations entre les Bantous et les pygmées. « La Pygmédie, comme l’écrit l’auteur, englobe, outre la majeure partie du Congo septentrional, le sud et le sud-est camerounais, l’extrême sud centrafricain, le nord, le nord-est et le sud-est gabonais. Les habitants de souche de la Pygmédie sont les pygmées ou pygmédiens. » La trame romanesque tourne autour de Demi Dakar, pygmée au service du préfet blanc à Impfondo. Il a le malheur d’être présent au cours d’une altercation entre Vaillant, le préfet, et son épouse. C’est ainsi qu’il apprend que Vaillant couchait avec la bonne au service du couple et, d’autre part, que sa femme profitait de ses absences pour entraîner le cuisinier dans la chambre conjugale. La vérité sort de la bouche des enfants. C’est Jean-Claude, le fils du couple, qui, innocemment, est à l’origine de ces révélations qui vont bouleverser la vie de la famille du préfet et celle de Demi Dakar. Pour éviter que cette information ne filtrât à l’extérieur, le préfet blanc molesta furieusement et copieusement le pygmée qui, pour se sauver d’une mort certaine, n’eut d’autre solution que la fuite. Le cuisinier lui, n’eut pas la chance de Demi Dakar. Il fut abattu par le préfet.

À la manière d’un thriller, le roman de Bernard Zoniaba est nourri de rebondissements multiples qui montrent in fine que le pygmée n’en est pas moins homme, en dépit de l’ostracisme dont il est frappé par son voisin bantou. La Pygmédie est la chronique des relations tourmentées entre deux communautés qui vivent sur le même territoire sans vraiment se mélanger. Pour le Bantou, le pygmée est un être inférieur, méprisable, un cheptel corvéable à volonté. Pour ce dernier, le Bantou est instable, menteur et stupide. Au fond, on est toujours le pygmée de quelqu’un. C’est la leçon de ce livre de Bernard Zoniaba.

Revenons à notre sujet, ministres et fils de ministres, une réalité à laquelle nous ne prêtons même plus attention. Lorsque des fils de présidents sont devenus présidents en Afrique, l’opinion a décrié une succession dynastique. Aux États-Unis, Bush père président, Bush junior président : pas de commentaires sulfureux !

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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