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A la croisée des chemins

Samedi 11 Mai 2024 - 18:14

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Les résultats de l’élection présidentielle tchadienne du 6 mai sont favorables au président de la Transition, Mahamat Idriss Déby Itno. Contre l’avis de son principal concurrent, Succès Masra, opposant et Premier ministre sortant avec lequel l’élu avait, en début d’année, conclu un accord de partage du pouvoir salué comme un pas significatif vers la réconciliation nationale dont le Tchad a tant besoin.

Aux cris de joie ponctués de coups de feu entendus dans le camp des partisans de Déby Itno, le 9 mai, à N’Djamena, à l’annonce du verdict, Masra et ses proches ont répondu par le rejet d’un scrutin qualifié de manipulé qu’ils déclarent ne pas reconnaître. Se pose dès lors la question qui a taraudé tous les esprits au moment où l’on apprenait que le président de la Transition et son Premier ministre étaient tous les deux candidats à cette élection majeure.

Dans une certaine mesure, la contestation en cours était prévisible; le plus improbable étant que l’on ne pouvait croire le refus de la défaite venir des huit autres candidats. Au fond, si Masra avait été élu dès le premier tour ainsi qu’il le revendique, la levée de boucliers aurait eu la même résonnance dans le camp Déby, peut-être avec la crainte que N’Djamena aurait connu plus que de simples déclarations de militants ulcérés par ce qu’ils considèrent comme une farce.

Les élections, on le sait, se terminent toujours par la victoire d’un candidat. Les acteurs en présence, en particulier ceux qui s’estiment lésés, peuvent choisir d’engager le bras de fer en mobilisant la rue, ou s’accommoder des procédures légales en s’adressant aux instances en charge du processus. Les deux démarches peuvent aussi être un saut dans l’inconnu car dans l’un ou l’autre cas, les violences et la déception ne sont jamais loin. 

Dans la situation actuelle du Tchad, la volonté de réconciliation à travers la nomination successive au poste de Premier ministre de Saleh Kebzabo et de Succès Masra, tous deux opposants aux régimes Déby père et fils, va-t-elle voler en éclats ou se consolider ? Les jours prochains permettront de vérifier si le deal prêté au duo Déby-Masra de continuer le chemin ensemble après l’élection présidentielle relevait de l’affabulation ou de la réalité. 

Ce qui est sûr, l’arène politique tchadienne n’est pas à court de prétendants à la normalité. Pour preuve, le candidat arrivé en troisième position d’après le classement de l’Agence nationale de gestion des élections, Albert Pahimi Padacké, ancien Premier ministre sous Déby père, a reconnu la victoire de Mahamat Idriss Déby Itno et lui a adressé ses félicitations. La probable reconfiguration du paysage politique postélectoral donnera sans doute plus de marge de manœuvre au président élu une fois sa victoire définitivement confirmée.

En même temps, il est indispensable que la recherche de la stabilité ne détourne pas N’Djamena et ses plus hautes autorités de la volonté de rapprocher les vues, rassembler les énergies et puiser dans toutes les bonnes volontés désireuses d’offrir au Tchad la chance de décoller. Après plus de six décennies d’indépendance traversées par tant de soubresauts, l’élection d’un président, quel qu’en soit le plébiscite (plus de 61% des suffrages pour ce cas-ci), ne profitera à la population que si cette dernière trouve son compte dans la mise en œuvre du projet de société du chef de l’Etat.

Autant dire qu’avant comme après le scrutin du 6 mai, le Tchad est une fois de plus à la croisée des chemins.
 

Gankama N'Siah

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