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Le rêve ébranlé d’un Irak démocratique

Lundi 16 Juin 2014 - 0:24

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Si, forts de leurs premiers succès militaires dans le nord du pays, les insurgés du redouté État islamique en Irak et au Levant (ÉIIL) qui se trouvent à quelques kilomètres de Bagdad, conquièrent la capitale irakienne, ils pourraient installer dans cette partie du monde un régime proche de celui qu’expérimentèrent les talibans en Afghanistan dans le courant des années 1990. L’Irak offrirait tout bonnement à l’internationale djihadiste un point de ralliement pour la mise au pas des régimes en place dans les nations arabes modérées du Golfe et au-delà.

Le fait est que, au regard de l’environnement international, les États-Unis de Barack Obama ne sont pas prêts à se réengager dans une troisième guerre d’usure en Irak. Les séquelles laissées par les deux premières sont si présentes, l’actuel locataire de la Maison-Blanche est si méticuleux que l’on peut sans risque de se tromper estimer peu probable l’arrivée en masse de Marines et de GI’s dans l’ancien pays de Saddam Hussein.

Au demeurant, le rêve que caressait le prédécesseur d’Obama, Georges Bush Junior, d’un grand Moyen-Orient démocratique à l’occidentale peine à se réaliser et ce depuis longtemps. Non seulement, l’homme n’est plus en fonction pour faire avancer une telle « feuille de route », mais ses inconditionnels alliés d’hier de la vieille Europe semblent – crise oblige – avoir d’autres chats à fouetter. Résultat : les milices fondamentalistes pourront prendre le pouvoir en Irak en profitant du délitement de toute la région déjà fortement affectée par le conflit syrien.

La question qui se pose dès lors est de savoir quelle stratégie l’Occident pourrait déployer pour stopper les rebelles de l’ÉIIL. Ayant pris fait et cause pour une opposition armée syrienne divisée contre le régime de Bachar al-Assad qui aurait pu être réformé par le dialogue, les puissances occidentales ont montré dans leur appréciation de la situation dans le Golfe un amateurisme qui ne révèle pas moins l’autisme et l’arrogance dont elles font preuve chaque fois qu’elles se trompent d’analyse.

Pour leur part, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’Iran et la Syrie se sont déclarés disposés à venir en aide à l’Irak dans le but de « mettre les terroristes hors d’état de nuire ». Comment, concrètement cela pourrait-il se passer dès lors que les deux pays, mis au ban de la communauté internationale, subissent un embargo sur les armes du fait des sanctions qui leur sont imposées ? Pourrait-on imaginer les capitales occidentales (Washington, Paris, Londres, Bruxelles, Berlin) s’associer à Téhéran et Damas dans une sorte de « front commun » contre les rebelles irakiens ? Pourrait-on les voir « coopérer » avec Moscou, dans la perspective de « punir » les djihadistes ?

De tout ce qui précède, on peut retenir que la fin de la guerre froide a fait naître d’autre défis globalisants qui ne sauraient être relevés que par la volonté des États, grands ou petits, puissants ou faibles, de dialoguer. La sécurité du monde en dépend, la vie des peuples y est liée, la survie des nations y doit beaucoup. Continuer à croire qu’il y a des États puissants qui peuvent en imposer aux autres, qu’il faut à tout prix, par la force au besoin, réguler ce qui peut l’être par la palabre, sont de grandes erreurs.

L’histoire des peuples étant faite de hauts et de bas, de guerres et de paix, le temps n’est pas venu de regretter l’Irak de Saddam Hussein, il ne se prête pas non plus à se rappeler le souvenir d’une Syrie sans violences il y a quatre ans. Ce qui est vrai, c’est que nul ne pourrait soutenir, au regard des souffrances qu’endurent les populations, que les images des vies et des biens détruits tous les jours dans les deux pays soient les signes annonciateurs d’un grand Moyen-Orient démocratique qui aurait pour territoire étalon l’Irak post-Saddam Hussein. La marche forcée entamée en Irak pour faire chuter ce dernier et les déchirements que connaît la Syrie depuis quatre ans disent le contraire.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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