Littérature : « Omanga ou l’exil en héritage », un récit de Mazou MoussibahouSamedi 27 Juillet 2013 - 9:15 Roman de formation, aux accents picaresques, cet ouvrage que l’auteur qualifie d’« accouchement douloureux », constitue un témoignage sur les années du « soleil des indépendances » dont nous a parlé, dans une approche différente, Amadou Kourouma Récit d’une quête, c’est de la sorte qu’Henri Lopès, préfaçant ce roman, le juge. L’un des hommes de lettres les plus talentueux du continent, Henri Lopès précise que c’est à un âge avancé que le héros de ce récit découvre ses origines nigériane et yoruba. Un monde où la force d’envoûtement de la religion traditionnelle est particulièrement prégnante. Dotés d’un panthéon peut-être le plus peuplé, le plus riche et le plus élaboré de la partie subsaharienne du continent africain, sa métaphysique et son culte irriguent non seulement un grand nombre de cultures de l’ouest africain, mais aussi Haïti et l’immense Brésil. On officie presque de la même manière dans les vaudous béninois, nigérians, haïtiens et dans les candomblés brésiliens. « L’adepte qui découvre seul, à l’âge adulte, une religion, la pénètre et y adhère souvent plus profondément que celui qui se contente de le recevoir en héritage de manière routinière. Tel est l’Omanga, le héros de ce récit presque autobiographique. Mais c’est surtout l’exil forcé de son père, Hamid, qui le pousse à accepter un destin qu’il aurait toutes les raisons de redouter. Le fils unique d’Adjarah n’avait pas à risquer une mort absurde en se commettant dans la “guerre des autres”. Une guerre dont il ne voit pas le bien-fondé. La seule issue logique est donc l’exil », peut-on lire dans la préface. Pour Henri Lopès, Omanga aurait dû naître quelque part en Afrique centrale, mais la tradition est plus forte. Il voit le jour sur la terre des ancêtres de sa lignée paternelle, au prix d’une longue séparation entre son père et sa mère, émaillée d’aller et retour entre cette terre d’origine et les lieux d’exil du père. Cette situation inconfortable durera toute la Seconde Guerre mondiale. Victime de ce conflit, Omanga en fait un récit détaillé au cours duquel il revient sur le prix payé par l’Afrique. Un prix fort. Celui du sang. Revenant sur les temps forts de ce récit, le préfacier pense qu’il s’agit du dialogue entre Adjarah et Hamid à l’occasion duquel on apprend que si sa grand-mère n’avait pas rejoint les aïeux un mois jour pour jour après le retour du premier exil de son fils, Omanga n’aurait pas connu à son tour ce destin de migrant ballotté d’une terre à une autre. « En ces temps où l’émigré est perçu parfois comme un importun, un malheureux, un mendiant, qui ajoute au fardeau social du pays d’accueil, ce récit renouvelle l’histoire de l’errance et nous rappelle que le voyageur qui frappe à notre porte n’est pas automatiquement un barbare dangereux, mais un autre nous-mêmes que le destin a poussé d’un rivage à l’autre et qui mérite qu’on l’écoute, car au bout du compte nous sommes tous, avons été, ou pouvons devenir demain, ce voyageur à la fois d’ici et d’ailleurs. Un Ulysse du monde contemporain. » Au demeurant, ce livre n’est ni un cri de douleur, ni une plainte, ni une lamentation. Aucun misérabilisme, aucune réclamation outrancière. C’est surtout – et c’est là que réside son intérêt, sa singularité, sa force – une méditation sur les bienfaits de l’exil. Omanga, descendant de la lignée d’Issiaka et fils d’Hamid, n’en finit pas de s’interroger sur sa condition d’émigrant habité par un double sentiment : « L’émigration ressentie comme un héritage ou un avatar, une sorte de condamnation à l’errance, ou, peut-être un malheur béni qui nous ouvre au monde et nous enrichit. Un don du ciel qui nous permet de revenir pleins d’usage et de raison vivre entre les nôtres le reste de nos ans. Puisant sa matière dans l’histoire de sa famille, l’auteur transcende le destin d’une lignée pour mettre en toile de fond l’histoire du monde et plus spécialement celle du continent africain avec ses sinuosités, ses avancées, ses fourvoiements, ses tragédies, ses avancées. Ses espoirs. » Henri Lopès, invite les lecteurs à éteindre leurs postes de télévision, à fermer leur porte aux visiteurs et à ouvrir le livre. Car, ce roman, enchante, captive et fait faire une plongée en soi. Quelques universitaires réagissent sur le récit Le récit du docteur Moussibahou Mazou a poussé le professeur Jean-Luc Aka-Evy à porter la parole du philosophe. De l’analyse savante qu’il fait du parcours d’Omanga et ses ancêtres à partir de ses entrailles jusqu’à l’imprécis, il trouve les propos d’Omanga propres à éveiller la conscience collective. Alors que le professeur Antoine Aïssi parle de l’histoire des peuples durant les périodes crépusculaires telles que la famille Omanga les a vécus. Il a rappelé un peu l’histoire de sa famille qui est une sorte de parenté entre Hamid et son père. Quant à ceux qui se demandent pourquoi il est revenu au Congo pour présenter un livre qui relate l’histoire d’une famille dont les origines remontent à d’anciens royaumes d’une région au Congo, le docteur Moussibahou Mazou répond que son histoire personnelle et son statut social font partie de ce pays de circonstance… Alors que cela fait plus d’un demi-siècle à l’étranger qu’il s’est identifié au Congo, ce pays qui lui a tout donné et dont il a en retour essayé de porter le drapeau le plus haut. Il était donc normal qu’il revienne au Congo témoigner d’un parcours singulier. Notons que l’auteur de ce roman, Mazou Moussibahou, est entré dans l’administration des postes et télécommunications, au Congo, en 1952, à l’époque dénommée Office équatorial des postes et télécommunications. En 1960, il fait partie de la première vague des jeunes cadres envoyés en France pour suivre respectivement les cours de formation d’inspecteur et d’inspecteur principal. De retour au Congo, il occupe au sein de l’office équatorial des postes et télécommunications des responsabilités dans les services d’organisation et d’exploitation postale. Il est également professeur vacataire à l’école nationale des postes et télécommunication de Brazzaville. Engagé en 1962 comme secrétaire adjoint au bureau international de l’Union postale universelle (UPU) à Berne en Suisse, Mazou Moussibahou a gravi les échelons au sein de cette institution en occupant successivement des fonctions au niveau de troisième, deuxième, premier secrétaire, conseiller adjoint, conseiller, conseiller supérieur, sous-directeur général et en 1994, couronnement de sa carrière internationale et postale, il est élu vice-directeur général de l’UPU au cours du congrès postal universel tenu à Séoul en Corée. Il fut réélu pour un deuxième mandat en 1999 à Beijing en Chine. C’est à titre qu’il terminera sa longue et riche carrière professionnelle en 2004. Après un premier livre intitulé L’Union postale universelle, passé présent et avenir paru en 2004, Mazou Moussibahou poursuit sa lancée dans ce domaine littéraire avec Omanga ou l’exil en héritage. Il est vendu 20,50 euros. Bruno Okokana Légendes et crédits photo :Photo 1 : La couverture du livre. (© DR) ; Photo 2 : L’auteur dédicaçant le livre. (© DR) |