Interview. Pathé Dia : « En travaillant mes matières, je réalise des rencontres»

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : En majorité, la Collection By Pathé est constituée de vêtements patchwork. Est-ce là votre identité  ?

Pathé Dia (P.D.) : C’est la vie qui est comme cela, elle est faite de rencontres. De la même manière que les gens se rencontrent, les matières aussi doivent se rencontrer : les couleurs, les enduits, les textures, on en ressort quelque chose. Cela relève une passion, des envies, un travail, un savoir-faire et une démarche qui peut être aussi écologique parce que rien ne se jette, tout se récupère

L.C.K. : Qui donc se cache derrière By Pathé  ?

P.D. : By Pathé, c’est moi-même. Je suis Pathé Dia, designer du Sénégal. Je suis venu au Level Up avec ma marque de vêtements car c’est une bonne initiative. En travaillant mes matières, je réalise des rencontres. Et, ici, ce qui vous a attiré, c’est peut-être l’effet visuel qu’a produit sur vous l’assemblage des couleurs, vous a donné l’envie de toucher et de découvrir. Nous en sommes à discuter, et moi à me révéler. Généralement, on se révèle à travers le travail, les choses qui nous touchent. Un pont a été établi entre ce que vous avez vu de ce que je fais et que vous avez apprécié du regard, puis touché. Vous m’avez tendu le dictaphone, c’est cela que représentent mes collections.

L.C.K. : Comment déclinez-vous vos tenues, sont-elles pour hommes ou pour femmes  ?

P.D. : C’est pour hommes et pour femmes, aussi. Ce qui m’a donné envie de venir au Level Up, c’est parce que l’initiative veut que l’Afrique s’habille par elle-même. De toutes mes offres, il n’y a aucun habit conçu, designé en France ou fabriqué en Chine ou ailleurs. Ils ont été pensés pour les Africains en tenant compte des contingences sociales, religieuses, morphologiques, etc. Nous avons un marché, une demande, une offre à y faire, c’est à nous de nous prendre en charge, moduler notre offre. Et, de nous adapter en fonction des matières, du prix, des silhouettes, des événements, nos envies, nos femmes, notre histoire, nos perspectives, etc.  C’est tout ce mix qui revient toujours dans mes collections car je pense à qui pense quoi  ? J’essaie d’associer et de fusionner tout cela pour en faire quelque chose. Ce sont des ingrédients que j’utilise, j’associe.  

L.C.K. : En tenant compte des contingences évoquées, quelle offre faites-vous  ?

P.D. : J’offre des produits prêt-à-porter qui font habiller, chic, des vêtements classiques, casual, pour toutes sortes d’événements. Les manifestations traditionnelles lorsqu’on reçoit, les sorties, quand on veut être distingué. La pièce que l’on porte doit être adaptée à l’événement, au lieu, à qui nous allons rencontrer, ce dont on a envie, se faire plaisir, faire plaisir aux autres. Il faut faire parler le vêtement, l’interroger et il vous répond.   

L.C.K. : C’est quoi la grande tendance du moment  ?

P.D. : La grande tendance du moment, au niveau des couleurs, ce sont les couleurs pastel qui sont mises en avant. Dans mes collections, je fais une fusion de couleurs, sans être trop attaché aux tendances, je garde une marge de liberté. Nous sommes différents par nos ADN, nos envies, notre histoire, etc. C’est bien qu’il y ait des tendances au niveau de la structure du vêtement mais après, il faut savoir se faire plaisir. Je peux associer une pièce futuriste à un vintage des années 1920. C’est cela qui crée notre identité, il ne faut pas vouloir ressembler à tout le monde. Il faut sortir de sa zone de confort, ici il y a beaucoup de couleurs, cela me parle, c’est mon univers. Chez nous, plusieurs gens sont toujours habillés en tenues sombres, mon combat c’est de les faire sortir de leur zone de confort. Toutes les couleurs qui existent sont à mettre, il faut les explorer. 

L.C.K. : Les robes semblent constituer le plus fort de votre travail …

P.D. : Les robes oui, mais je fais des pantalons aussi. Pour cette exposition, nous avons fait une sélection de pièces qui soit assez éclectique. Mais, si vous venez au Sénégal, vous verrez que nous réalisons toutes les références mode. Des vêtements traditionnels de chez nous, des tenues occidentales plus pratiques : pantalons, chemises, vestes, robes, cravates, nœuds de papillon, parce que nous voulons tout explorer dans notre domaine, la démarche c’est proposer une offre complète sur toutes les références mode.

L.C.K. : Quelle est votre pièce la plus osée  ?

P.D. : C’et la pièce "Chicory", c’est d’ailleurs, je pense, celle qui vous a attirée. Elle est magnifique : j’y ai fait un patchwork de wax. Dès l’instant que je l’ai constituée, ce n’est plus un tissu, mais une reconstitution de tissus parce que l’on peut compter des centaines d’étoffes sur un vêtement et chaque pièce est différente. C’est particulier et majestueux.  

L.C.K. : Quelles sont les tailles dont vous réalisez les meilleures ventes  ?

P.D. : En général, les Africaines ont une morphologie semblable, c’est notre cible principale, mais cela ne nous empêche pas de vendre à d’autres prospects. Le côté pratique, c’est que certains modèles sont en taille unique. Il y a celui de la collection Patch mei fucan avec le Kimo dress. Dans la structure du vêtement, il n’y a pas d’épaules, pas de poitrine, juste un élastique au niveau de la taille et il y a la longueur pour que cette tenue aille à tout le monde. Elle peut, au besoin, se mettre avec une ceinture mais c’est une taille unique : one size fits all.