Epidémie d'Ebola : la menace la plus importante en ce moment est la propagation

Lundi 30 Juin 2014 - 16:59

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Sylvain Baize, directeur du Centre national de référence des fièvres hémorragiques de l’Institut Pasteur de Lyon, a répondu aux questions des Dépêches de Brazzaville sur l'épidémie de virus Ebola qui sévit actuellement dans onze pays de l'Afrique de l'Ouest. La Guinée, le Libéria et la Sierra Leone sont les pays les plus touchés par l'épidémie

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’alarme de la propagation de l’épidémie d’Ebola aux pays voisins et à l’international. Qu’en est-il ?

La menace la plus importante en ce moment est la propagation aux pays limitrophes qui ne sont pas encore touchés comme la Guinée Bissau ou le Sénégal suite à des mouvements de population spontanés. Le risque de transmission international via des liaisons aériennes est beaucoup plus limité même s’il existe. La proportion de la population touchée par le virus en limite les chances, mais on peut imaginer qu’un sujet qui est en train d’incuber le virus puisse prendre l’avion et déclarer la maladie dans un autre pays. Dès que l’on déclare la maladie, le risque est encore plus limité puisque dès le lendemain ou le surlendemain, la fatigue est telle que l’on peut difficilement entreprendre un voyage. L’OMS a cependant raison d’être inquiète, car même si le risque est faible, il faut anticiper et prendre toutes les mesures de prévention possible.

Le virus Ebola a été découvert en République démocratique du Congo. Comment s’est-il propagé jusqu’en Afrique de l’Ouest ?

Il est vrai que le virus a été isolé pour la première fois en République démocratique du Congo, mais la même année il a été isolé aussi au Soudan. Le virus Ebola a été observé pour la première fois en 1976 dans ces deux pays, mais on pense qu’il y a eu d’autres épidémies avant cela qui n’avaient pas été déclarées, notamment dans des villages reculés de forêt, de type villages de pygmées en Afrique centrale. Le virus circule beaucoup en Afrique centrale, mais nous n’avons pas de preuve formelle de la manière dont le virus a été importé en Afrique de l’Ouest. Le virus qui circule actuellement en Guinée n’a pas été importé cette année d’Afrique centrale : on sait par les analyses génétiques qu’il circulait déjà en Afrique de l’Ouest depuis quelques décennies. Les réservoirs du virus sont certaines espèces de chauve-souris frugivores qui sont présentes de l’Afrique centrale jusqu’au Sénégal. Ce sont des espèces qui voyagent beaucoup et parcourent de longues distances. On peut imaginer que le virus a pu se déplacer comme cela, mais cela reste une hypothèse.

Comment les épidémies se déclarent-elles ?


Il y a deux cas de figure possibles. L’homme entre en contact avec le réservoir infecté, en l’occurrence pour Ebola, une chauve-souris. Dans la région d’épidémie, en Guinée et dans les pays limitrophes, on suppose que le cas indexé a dû toucher les tissus d’une chauve-souris infectée chassée ou ramassée, car cet animal fait partie des viandes que mangent les populations vivant en Guinée forestière. 
Dans le deuxième cas, l’homme se contamine par l’intermédiaire d’un hôte accidentel. C’est plutôt ce que l’on a observé en Afrique centrale dans les épidémies du Gabon et de la République démocratique du Congo. Les contacts avec les chauves-souris y sont moins fréquents qu’en Guinée, car les gens mangent moins ces viandes, mais la chauve-souris contamine des chimpanzés et des gorilles, c’est-à-dire qu’il y a dans un premier temps une épizootie*, et le premier cas humain se contamine au contact d’un grand singe par la chasse, voire même d’une antilope — ce qui été décrit une fois —, et ensuite la propagation se fait d’homme à homme.

Le virus Ebola n’a pas de traitement connu. Où en est-on de la recherche ?


Il y a un certain nombre de recherches qui sont menées aux États-Unis, au Canada ainsi qu’en Europe sur des traitements et des vaccins contre Ebola et toutes les fièvres hémorragiques en général. Il y a des candidats vaccin prometteurs en cours d’étude qui ont été évalués de façon expérimentale. Il y a aussi beaucoup d’études sur des traitements expérimentaux, mais qui sont moins avancés que les vaccins. Mais le passage du stade expérimental à une mise sur le marché est toujours très long et nous sommes encore loin d’avoir une solution à apporter sur le terrain pour les patients.

* épidémie touchant les animaux

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou