Couleurs de chez nous: barricades

Samedi 23 Juin 2018 - 12:40

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Le mot est célèbre notamment lorsqu’il est écrit ou prononcé au pluriel. Egalement pour l’usage pratique qui en a été fait. D’abord en France, à l’occasion de différents soulèvements et lors de Révolution. Puis au Congo, essentiellement en  1992 et 1993. Ici comme là-bas, la pratique avait un côté révolutionnaire oscillant entre révolte, désobéissance, insoumission et contestation de l’autorité. Autrement dit, ces actes avaient valeur d’expression politique.

Pourtant, aujourd’hui à Brazzaville, on assiste de plus en plus à l’érection des barricades ici et là sans que ces agissements n’interpellent ou ne soient assimilées à une quelconque revendication. Pourquoi ? Simplement parce qu’on a revêtu à ces barricades une couleur autre que politique. En effet, à cause de l’état des routes dans cette ville, les véhicules de tout type sont contraints d’emprunter les rues et avenues.

Sauf que les habitants, tous Congolais et conscients du phénomène, n’acceptent pas que « leurs rues » servent de passage aux véhicules. Résultat : ils creusent des trous, érigent des barricades, coupent les arbres pour les poser en travers des rues et avenues empêchant ainsi la circulation.
Ont-ils le droit de le faire ? La question, tout aussi légitime soit-elle, trouve réponse autrement sur le terrain en termes de disputes et bagarres auxquelles se livrent les passants et les riverains des rues et avenues mécontents de voir celles-ci transformées en routes.  Quand ce ne sont pas des habitants qui s’en prennent aux conducteurs, ce sont ces derniers qui, soutenus par leurs passagers, descendent pour écarter les obstacles posés et ouvrir la voie avec, à la clé, injures et rixes consommées.

Qui a raison dans cette affaire ? Pour les barricadeurs, le passage des véhicules détruit la rue et, partant, constitue un risque pour leurs habitations. Bien plus : ils s’appuient sur le fait que ce sont eux qui assurent la propreté de la rue et il n’est nullement question de les voir être abimées par des véhicules.
Pour les usagers, la rue fait partie de l’espace public et relève d l’autorité des pouvoirs publics. Il ne revient pas à un individu de dicter sa loi et tant que l’Etat ne dit rien, la rue sert à la communauté. Ces mêmes usagers ne manquent pas d’évoquer les taxes qu’ils payent et l’obligation pour eux d’exercer librement afin de compenser les dépenses et assumer d’autres charges.

Alors que les arguments fusent et que les bagarres continuent, les jeunes, désœuvrés, ont compris qu’ils pouvaient tirer leur épingle de ce jeu et garantir leurs poches. C’est ainsi qu’on les voit par petits groupe s’organiser pour déblayer, remblayer et orienter les véhicules. Ces « policiers de circonstance » n’hésitent pas d’imiter des ouvriers de chantiers en se munissant d’objets en plastique de couleur verte ou rouge. Placés aux extrémités d’un pan de rue, ils brandissent le rouge pour stopper les voitures venant d’un côté et le vert pour laisser circuler les autres. Sans exigence majeure, ils tendent un panier, un bol ou une assiette dans lesquels les automobilistes versent une pièce de monnaie. Une intervention qui fait consensus car autant elle résout le problème de circulation dans les rues autant elle garantit l’état des rues. Bref, elle met fin aux barricades.  
 

 

 

 

Van Francis Ntaloubi

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