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Afrique-France, l’heure du réalisme ?Samedi 7 Février 2015 - 11:30 Même si cela ne se voit pas encore, les lignes bougent sur le front des relations entre l’Afrique et la France. Au comportement néocolonial qui conduisait la seconde à mépriser plus ou moins ouvertement la première, jugée « non encore entrée dans l’Histoire » ou vouée à la mal gouvernance et qui l’amenait à donner sans cesse des leçons de démocratie à ses partenaires se substitue, beaucoup plus vite que nous ne le pensions, un réalisme qui devrait, à terme très rapproché, changer la donne sur le terrain diplomatique. Expliquons-nous sur ce point. Confrontés aux menaces de plus en plus graves que suscite pour leurs propres peuples l’incapacité des dirigeants occidentaux à prévoir les conséquences de leurs actes, les États développés, comme la France, découvrent qu’ils se conduisent en fait comme des apprentis-sorciers. Qu’il s’agisse du Levant arabe où les interventions américaines en Irak et en Afghanistan n’ont fait que semer l’insécurité et le désordre institutionnel, ces vingt dernières années, ou qu’il s’agisse de la partie nord de l’Afrique, dans laquelle l’ingérence française en Libye a plongé le Sahel dans le chaos, le manque de discernement des pays riches est devenu à ce point évident que plus personne ne peut feindre de l’ignorer. Ceci est d’autant plus vrai que les conséquences humaines et financières de ces erreurs s’avèrent dramatiques puisque les morts provoqués par elles se comptent désormais par dizaines de milliers et le coût de ces interventions anarchiques se révèle au final astronomique. Non seulement elles retardent l’émergence des nations qui en sont victimes, mais encore elles affaiblissent des pays de dimension moyenne, comme la France, qui se trouvaient déjà confrontés à de sérieuses difficultés économiques. Si l’on ajoute à ce qui précède le fait que les extrémismes les plus radicaux prolifèrent grâce à ces errements, l’on comprend pourquoi les yeux s’ouvrent enfin, en Europe comme aux États-Unis, entraînant une réévaluation, qui ne dit pas encore son nom, des relations entre les pays les plus engagés et l’Afrique. Tout indique aujourd’hui que la France notamment prend la juste mesure des problèmes créés par son manque de discernement. Certes, vous n’entendrez aucun responsable politique le reconnaître publiquement, mais c’est bien cette prise de conscience qui explique pour une large part le climat très positif dans lequel s’est déroulé vendredi, à Paris, le Forum franco-africain pour une croissance partagée organisé par l’Élysée, le puissant Medef International – institution qui regroupe les grandes entreprises françaises – et le ministère de l’Économie et des finances. Marqué par de multiples interventions qui célébraient, sans l’avouer, les retrouvailles entre la France et ses partenaires africains, cette rencontre a prouvé que l’Afrique redevient un enjeu majeur pour les entreprises françaises. Faut-il en conclure pour autant que les plus hautes autorités françaises cesseront de se poser en donneurs de leçon comme l’ont fait tour à tour Nicolas Sarkozy et François Hollande ? Évidemment non, car les mauvaises habitudes sont toujours longues à s’effacer, mais les problèmes auxquels la France se trouve aujourd’hui confrontée du fait des erreurs commises sur le continent par ses dirigeants durant les dix dernières années l’amèneront inéluctablement à respecter ses partenaires. Et l’on peut être certain que les acteurs économiques – entreprises, banques, organisations de la société civile – pèseront de tout leur poids dans les mois à venir pour que le locataire de l’Élysée change de comportement. Il n’est pas impossible, dans ces conditions, qu’une nouvelle page s’ouvre enfin pour l’Afrique et pour la France.
Jean-Paul Pigasse Edition:Édition Quotidienne (DB) |