Ebola : sur le terrain, l’Italie a déployé « le meilleur de soi »C’est par une conférence au palais du Montecitorio, siège de l’assemblée nationale à Rome, que les parlementaires italiens ont commémoré mardi l’an 1 de l’explosion de l’épidémie à virus hémorragique Ebola en Afrique de l’Ouest. La manifestation était chargée de symbole. L’Italie est en effet, de tous les pays occidentaux, celui qui a payé un lourd tribut à la vague précédente des contagions lorsqu’en 1995, la maladie faucha des dizaines de personnes à Kikwit, dans l’alors Zaïre. Parmi elles, une quinzaine d’agents de santé et de missionnaires, dont une demi-douzaine de religieuses italiennes. Et depuis un an, le pays est de nouveau retourné au front de la double lutte à la fois sur le terrain et dans les laboratoires de recherche. C’est ce qui a fait dire à Mme Laura Boldrini, présidente de l’assemblée nationale ouvrant les travaux de la conférence de mardi que « c’est le meilleur d’entre nous qui est aujourd’hui sur le terrain ». La présidente des députés a adressé ses « salutations les plus affectueuses » au médecin de l’ONG italienne Emergency infecté et actuellement hospitalisé « en étable stable » dans un hôpital spécialisé de Rome. « Les Italiens sont en première ligne aujourd’hui en Afrique dans la lutte contre le virus Ebola. Ils sont présents par des centres de recherches d’excellence, les médecins et infirmiers spécialisés ainsi que par la mise à disposition d’un savoir-faire sans pareil. Il est important que les institutions reconnaissent la valeur de ces personnes qui défient la peur et se distinguent par leur générosité et leur professionnalisme ». Le propos de Mme Boldrini avait aussi une forte résonnance de politique intérieure. L’Italie est empêtrée ces jours-ci dans un scandale éclaboussant des dirigeants de la Mairie de Rome dont certains, dans la mandature précédente de droite, sont soupçonnés d’appartenir à la mafia et d’avoir détourné des fonds destinés à gérer des centres d’accueil pour immigrés. C’est pourquoi, la présidente de l’assemblée nationale (appartenant à la gauche) a eu beau jeu de souligner : « Ici, l’exercice de la solidarité a été en quelque sorte détourné. Il y en a qui se sont enrichis sur le dos des plus pauvres qui sont de ce fait deux fois victimes. Mais l’Italie que nous célébrons aujourd’hui doit avoir sa place dans le débat public ». Elle a soutenu qu’il y avait contraste entre la teneur des querelles politiques bruyantes et l’héroïsme silencieux des humanitaires italiens en Afrique de l’Ouest. « Il est important que nos institutions expriment leur gratitude à ces personnes qui représentent notre pays dans les zones à risque. Il est rare que cette Italie-là apparaisse ; elle existe pourtant même si nous ne la voyons pas. Parce que lorsque nous parlons de l’Italie à l’étranger, c’est seulement pour les actions militaires, le ‘Made in Italy’, jamais de ce ‘Made in Italy’ fait de courage », a ajouté Mme Boldrini. La présidente de l’assemblée nationale italienne a regretté que la communauté internationale n’ait pas, tôt, pris la mesure de la gravité de cette épidémie qui « semble lui être tombée dessus en même temps que le mouvement (fondamentaliste) de l’Etat islamique ». Les professionnels de santé appuient l’appel des députés italiens à plus de solidarité et de volontarisme notamment dans la mise à disposition de toutes les ressources nécessaires. Mais ils mettent aussi en garde contre une vision trop idéaliste dans l’engagement à vaincre le mal. « Pour affronter l’épidémie d’Ebola, une coordination, une organisation et de la gestion sont nécessaires. Les volontaires sont importants, mais ils ne constituent pas le système par lequel on peut contrôler Ebola », a averti le Dr Giuseppe Ippolito, directeur scientifique de l’Institut Spallanzani qui a pris en charge le médecin italien infecté en Sierra Léone. Lucien Mpama |