Les Dépêches de Brazzaville



Économie nationale : Kinshasa n’exclut pas « d’améliorer » le quota des importations du ciment gris


La question a alimenté le débat public tout le week-end. Fervent défenseur de la protection de l’industrie locale, le ministre du Commerce extérieur, Jean-Lucien Bussa, n’a pas hésité à interdire l’importation du ciment gris et d’autres produits de première nécessité pour épargner une industrie locale fragile de la rude concurrence des pays voisins. Le cas dramatique de la Cilu par exemple avec le licenciement du tiers de son personnel à la suite de l’envahissement du marché par la vente du ciment angolais à moindre coût. Pour les cimentiers locaux, cette mesure permettait de sauver la seule industrie de transformation du potentiel enfoui dans le sous-sol du pays en richesses consommables localement. Dans la partie ouest de la RDC, l’industrie cimentière s’est dotée d’équipements et de technologies de génération récente et d’une durée de vie moyenne de 50 ans. Des centaines de millions de dollars américains ont été investis parfois dans des périodes difficiles de préparation des élections.  

Pourtant, la situation a changé au début du mois de septembre. Jean-Lucien Bussa a décidé d’accorder une dérogation à la mesure de restriction visant les importations du ciment gris et du clinker dans la partie ouest de la RDC. Sur le terrain, renseigne la lettre du ministre, il y a un besoin d’approvisionnement du marché intérieur. Par ailleurs, en difficulté dans la mobilisation des recettes,  il s’avère indispensable de redynamiser le commerce transfrontalier qui ne représente pas 20 % des recettes de douanes et accises en RDC. Et puis, rien n’empêche le pays d’être plus compétitif et présent dans les marchés africains. Il suffit juste de créer de la valeur ajoutée.

Derrière le discours politique, certains analystes veulent sonder les intentions du patron du commerce extérieur.  S’il faut se référer aux chiffres, explique M. Ekila, un économiste, il faut savoir que les capacités installées du secteur de la cimenterie ne sont utilisées qu’à hauteur de 30 %. Pourtant, il s’agit d’une demande en phase avec la demande locale qui reste, selon lui, très faible. Pour la partie ouest, l’on estime la capacité installée totale à 3,2 millions de tonnes par an. Par conséquent, tout besoin supplémentaire devrait théoriquement trouver une réponse appropriée à l’intérieur du pays, poursuit-il. Mais ce n’est qu’en théorie. En effet, le pays est vaste. Actuellement, le marché est quasiment contrôlé par trois principaux acteurs situé au Kongo central. Pour l’heure, il n’existe que de nombreux projets de construction de chaîne de production intégrée dans la partie centre et la partie est du pays. Les provinces citées correspondent à ces zones en carence d’industrie cimentière.  

Mais le débat est bien ailleurs, relativise M. Ekila. Il serait dommage que le pays prenne des raccourcis à chaque fois pour sauver l’industrie locale, notamment ces mesures d’interdiction des importations de produits ciblés, au lieu d’attaquer le problème à la racine. La taxation influence négativement la compétitivité : « Les coûts de production de l’industrie cimentière de Brazzaville sont plus faibles du fait de la fiscalité plus attractive. Il nous appartient de faire de même pour tenir compte à notre voisin dans un marché libre ». Encore une fois, conclut-il, il revient aux autorités RD-congolaises de s’impliquer autrement qu’en jouant simplement avec des mesures contreproductives.       


Laurent Essolomwa