Intempéries : les Congolais redoutent-ils la prochaine saison des pluies ?
Sur le terrain… L’heure est maintenant à la prévention. Les uns s’empressent déjà d’assécher les mares naturelles qui se sont formées ces Pendant la pluie manger devient difficile ! Un vieux papa témoigne sur fond d’inquiétude : « Quand il se remettra à pleuvoir ici comment faire s’il y a urgence pour se rendre à l’hôpital ? Les gens ont utilisé des brouettes comme solutions. Mais que ferons-nous quand les eaux redoubleront de fureur ? Même si nous avons un peu de répit, maintenant je sais que ça ne va pas durer ». Fataliste ? Un peu. Car une autre habitante, Rachel Boukono, explique que pendant la période des pluies intenses, même manger devient impossible. « Comment faire du feu pour préparer la nourriture ou bouillir de l’eau ? Quelle voie emprunter pour aller au marché même le plus proche et acheter de quoi nourrir la famille ? La vie s’arrête pendant quelques jours. C’est en prévision de cela que j’ai commencé aujourd’hui à débroussailler un recoin de la rue pour une activité lucrative. » Le pont de Mikalou : un ralentisseur naturel
La nature ayant horreur du vide, les jeunes profitent de monnayer leurs forces et leur temps en y jetant de la pierre pour aplanir la surface et permettre une meilleure circulation. Juste pour un temps ! Devant l’indifférence, disons plutôt l’impuissance de la mairie, les riverains s’activent, chacun selon ses moyens. Une digue de fortune ici, un pont en planches molles là, une reconstruction de maison plus loin (à côté du pont), l’idée étant de préserver le morceau de terrain acquis. Le jeu est clair : il repose sur le partage de l’espace. « Cette personne est intelligente. Comme il a l’argent, il a contruit une maison à étages. Comme ça, l’eau peut envahir en bas et il vit en haut », commente un jeune docker qui prête ses muscles aux femmes vendeuses du marché qui vient de se créer juste à près ce pont. La rue Luanda : un puissant collecteur Outre la rivière Mikalou, qui peut sortir de son lit et envahir le pont, celui-ci subit depuis quelques années le poids de tout ce que lui envoie la rue Luanda, située à Zoom sur les marécages de la Tsiémé En suivant la rivière Tsiémé dont la source a disparu, on arrive dans le quartier éponyme. En partant du pont, situé sur l’avenue qui porte le même nom, les populations affichent un stoïcisme qui cache mal leurs souffrances. Ici, il est difficile de retrouver une maison intacte. Toutes ont revu leur « architecture » au rythme des pluies qui se sont abattues. Image insoutenable : celle des hangars construits sur une surface faite d’immondices. Nul commentaire ne peut décrire le calvaire de ces habitants ! « Ville ekoti mayi » = « La ville sous les eaux ! » Phénomène imprévisible avant, le centre-ville de la capitale n’échappe plus aux intempéries. Le boulevard Denis-Sassou-N’Guesso, entre le dépôt de Sclog et la gare, s’est lui aussi inscrit sur la liste des zones à problèmes. La pluie mémorable, qui avait transformé l’avenue en rivière, date de 2006-2007. Ce jour-là, les Brazzavillois étaient surpris de constater que « même la ville peut s’inonder ». Chacun est allé de son commentaire alors qu’un sujet étranger, abonné dans un restaurant situé dans la zone et qui y allait pour son petit déjeuner, s’est entendu dire : « Ville ekoti mayi » (traduction : la ville est sous les eaux). Depuis, chaque saison de pluie est redoutée pour les dégâts qu’elle peut causer ailleurs dans la capitale et ici au cœur de la ville.
Malgré toutes les sensibilisations aux changements climatiques, le Congolais reste sceptique et renvoie tous ses malheurs à Dieu quand il ne veut pas parler de « l’impuissance » des pouvoirs publics à trouver des solutions à ses problèmes. Résignés, ils s’adonnent à la prière, en implorant le ciel dans l’espoir de conjurer le sort. Complaisants et calculateurs, ils se cramponnent aux lieux quoi qu’il arrive, en déversant leur colère sur l’État à qui ils demandent réparation pour dommages subis à la suite des pluies diluviennes. Au-delà de tout, la situation ne doit laisser personne indifférente car même si le constat ne nous a conduits que dans quelques zones, bien d’autres arrondissements de la ville sentent venir la menace. La solution existe pour sauver la ville et les vies. Luce-Jennyfer Mianzoukouta Légendes et crédits photo :Photo 1 : Rachel Boukono débrouillant un petit coin de terre en prévision des prochaines pluies. (© DR)
Photo 2 : Rue Énergie, un quartier de la Tanaf ensevelli par les eaux en saison des pluies. (© DR)
Photo 3 : Terminus Mikalou, la boue fait des otages. (© DR)
Photo 4 : Les eaux de la rivière Mfilou emportent même des habitations. (© DR) |