Les Dépêches de Brazzaville



Peinture : « Makila mabe », une œuvre poignante contre les abus sexuels


Sans langue de bois et de façon méthodique, « Makila mabe » ou « mauvais sang » interpelle. Son esthétique est tel qu’on le regarde en réfléchissant en même temps. Sur ce tableau réalisé à base d’acrylique et de collage sur toile, on y voit une femme assise, jambes écartées, avec un visage recouvert à moitié de fleurs. Un visage anonyme qui pourrait être celui de n’importe quelle femme à travers le monde. Dénudée, l’expression de son visage rime entre silence et douleur. D’ailleurs les jets de sang viennent s’ajouter à tout ce tralala pour exprimer la pensée de Sarah Paul sur la condition de la femme, notamment son combat contre les violences sexuelles.

Selon plusieurs sondages, si les hommes subissent aussi des violences dans le monde, les femmes demeurent les plus grandes victimes. Est-ce parce que la société les a toujours positionnées comme le sexe faible ? Interroge l’œuvre qui souhaiterait qu’on accorde plus de respect à celle qui donne la vie. Et, à en croire l’auteur de l’œuvre, les jambes écartées expriment bel et bien la perception qu’ont certains hommes de la femme : un objet de plaisir, un objet sexuel.

« Ce travail m’a exigé de sortir de ma zone de confort car j'aborde un sujet sensible avec des objets percutants dans notre société. De nature timide, j’ai voulu m’exprimer à travers ces images qui reflètent la souffrance de plusieurs femmes. Particulièrement, celles qui préfèrent garder le silence que de raconter leur histoire et obtenir de l’aide. Par ailleurs, c’est aussi un moyen de conscientiser les hommes, jeunes comme adultes, pour qu’ils apprennent à respecter et honorer la femme », a évoqué Sarah Paul.

Le déclic pour réaliser cette toile est née de la collaboration de l’artiste avec la performeuse et photographe camerounaise, Ange Kayifa, récemment en résidence à Brazzaville, au sein des ateliers Sahm. Le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l’égard des femmes, Ange Kayifa présentait son travail « Silence » pour emmener les victimes à délier leur langue. Par ailleurs, le fait d’avoir travaillé avec le collectif d'artistes féminines pour la campagne « Tosala » lui a permis de saisir l’étendue du fléau au-delà des masques que portent de nombreuses femmes pour dissimuler leur passé douloureux.

Cette conception se matérialise précisément à travers des dizaines de préservatifs que l’artiste a placés au centre du tableau, précisément au milieu des jambes de la femme sur la toile. « Liés à la sexualité, les préservatifs sur ce tableau traduisent le nombre d’agressions, viols, blessures, maladies psychologiques que portent les femmes abusées. Tout cela, sans oublier les enfants nés de cette tragédie. Autant de stigmates qui perdurent, en dépit du temps écoulé », a précisé l’artiste congolaise. 

Pédagogique dans l’âme, Sarah Paul ne s’est pas limitée à la dénonciation du mal commis à l’égard de la femme. Elle propose à travers une autre toile, « Au-delà », la possibilité de surmonter cette tragédie. « Au-delà », c’est un message d’espoir, de résilience, de relèvement, comme quoi après la tempête vient le beau temps.


Merveille Jessica Atipo et Gloria Lossele

Légendes et crédits photo : 

1- La toile « Makila mabé » de Sarah Paul/Adiac ; 2- Sarah Paul, auteure de l'exposition "Renaissance"/Adiac